ChROCUS #35 – BONJOUR MADAME

Avec Audrey Hepburn, forcément, on était vite bien sympa.
(« Diamants sur canapé » de B. Edwards)

Julien Clerc et « La journée de la femme » n’y ont rien changé.
Incroyable.

Pour le petit garçon qu’il n’est plus, que cela vienne d’une frustration ingérable ou de la découverte fascinante du potentiel persuasif de sa force physique, le mâle a parfois bien des difficultés avec son savoir-vivre quand il s’agit de faire la cour à une dame. Ce n’est pas qu’une vilaine histoire hollywoodienne contemporaine de vieux producteur plus pervers que salace, qu’on imagine (comme c’est facile) dans son peignoir vulgaire, bedaine pâle et velue et cigarillo érectile férocement coincé entre ses premières molaires de mammifère carnassier, non, c’est une histoire de tout temps, et certainement d’à peu près partout.
Françoise Héritier, qui vient de nous quitter, en parlait tellement mieux, plus finement, plus intelligemment.

Je profite de ce que tout ça m’inspire, non pas pour enfoncer des portes bien ouvertes, mon féminisme ne pourrait passer que pour de la maladresse opportuniste (voire crapuleuse), mais, car nous sommes sur un site de culture, pour vous partager cette mise en musique sublime d’Arthur H du poème magistral de John-Antoine Nau : « Lily Dale » (extrait de « Hiers Bleus »).
Il a écrit ça en 1903. Autant dire que l’élégance ne date ni de Twitter ni de l’écriture inclusive.

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Lily, fûtes-vous une barmaid poétique
Dans un vieux bar de l’Est, bleu de fumée,
Où l’ivrognerie était douce et romantique
Où des loups de mer et des gamins pâles vous aimaient ?
« Dignement » tendre avec tous, étiez-vous plus tendre
Pour un craintif Jack ou Jim aux yeux suppliants
Qui vous rêva fée des bois roses de novembre
Ou des lacs de lunaire opale miroitante
Et mourut de vous et vous fit mourir,
Haineux de la vraie femme pour tous enivrante ?

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily ! Sweet Lily !…

Sous les sombres pacaniers qui se mirent
Dans l’eau vitreuse des bayous chargés de huttes,
Lily, étiez-vous la négrillonne du Sud,
D’un noir luisant, presque doré de tant reluire,
Soleil noir avec un soleil blanc pour sourire ?
Étiez-vous la petite proie traquée, forcée
Par de vieux chausseurs blancs obscènes et velus,
L’animal favori cajolé, puis battu,
L’excitante poupée bientôt brisée
Qu’on enfouit un soir, pauvre chose fluette,
Près d’un marais de jade où chantaient les rainettes
Sous la lune qui grimaçait ?

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily ! Sweet Lily !…

N’auriez-vous été, ô Lily, ombre plaintive,
Qu’un sujet de chromo insane,
L’atroce « fiancée » consomptive et poncive
Du « contrebandier » ou du « jeune clergyman » ?…
Non, l’air qui vous pleure est trop sauvagement triste,
Trop sincèrement naïves sont les paroles ;
Et que votre joue fût noire, florale ou bise,
Pour moi vous aurez été âcrement exquise
Et je sens que votre âme, dans les brises molles,
S’envola quand vous mourûtes, comme s’envole
L’encens de l’iris des prairies vers les étoiles.

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily ! Sweet Lily !

Christophe

 

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