On comprend que l’on vit un temps où plus rien n’est comme avant. Que s’est-il passé ? On imagine aisément. Un père et ses deux fils survivent. Lui est taiseux et autoritaire, il ne veut pas les habituer à un quelconque amour filial. Eux sont débrouillards, analphabètes et frustres, directs. Leur langage est à l’avenant, brouillon et explicite. Et ils aimeraient bien savoir ce que leur père écrit régulièrement dans son carnet obsédant. Tous semblent s’inquiéter des « fidèles », horde dangereuse et pieuse… Ce qu’ils vont vivre sera une illustration de la descente aux enfers primitifs de l’humanité dont les aperçus grossiers devraient déjà nous étonner, pour le moins.
Gipi revient et à chaque fois c’est un plaisir immense et fort de lire cet auteur génial et indispensable (« Notes pour une histoire de guerre », « Vois comme ton ombre s’allonge » et autres chefs d’œuvres). Dans ce registre post-apocalyptique, je m’attendais bien « au pire » tant Gipi côtoie souvent les bordures inquiétantes de nos sociétés et de nos psychismes. Ajouté à cela ce noir et blanc griffé, qu’on dirait originel et instinctif. À l’unisson de cette « Terre des fils » dérangeant et remarquable.
