Une jeune femme achète quelques hectares de haute montagne pour y construire son refuge, lieu où elle s’isole en parfaite autonomie, à la fois énergétique et alimentaire. Mais au-delà du défi que l’on pourra qualifier de technique (recueil de l’eau potable, jardinage, chauffage, subsistance, etc.) c’est le questionnement plus sociétal voire philosophique qu’induit son isolement volontaire qui aura son importance. A travers un quotidien revenu à son essence primaire (se nourrir, s’abriter, se reposer), la jeune femme partage, à travers ses notes, ses interrogations littéralement existentielles : cette retraite, cette exclusion des autres et de ce qu’ils impliquent (menaces, pouvoir, autorité, mais aussi secours, promesses, ou pire : ni l’un ni l’autre) est-elle « une erreur de calcul » ? Et « si se retrancher, c’était s’enfermer avec un ingrat, un oublieux, un imbécile ? » Ah ! La très bonne question ! Enfin, je sais pas vous mais moi, ça me cause, vous n’imaginez pas à quel point.
Puis arrive la rencontre avec un autre humain. Même dans ces contrées reculées, il n’y a pas que les marmottes et les cailloux. Entre rejet et attente, c’est l’occasion pour la jeune femme de mettre en danger ses propres doutes ainsi que ses certitudes.
Après des passages remarqués dans le western (« Faillir être flingué », prix Livre Inter 2014) ou le kung-fu médiéval à Chaumont (« Bastard Battle »), Céline Minard cultive avec ce nouveau roman son singularisme. J’ai trouvé « Le grand jeu » d’une urgence intellectuelle primordiale pour notre époque profondément crétine et centripète. Oser apporter le grand air, aux sens à la fois propre et figuré, c’est un risque magnifique. Mais, à l’instar de son héroïne qui se pose la question en toute dernière page, on ne sait jamais trop si ce risque ne se confond pas avec du bluff… et c’est cette incertitude qui me laissera un (très) léger goût d’inachevé.
Christophe
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