CALIFORNIA GIRLS – Simon LIBERATI

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 ★★★★☆ 

Grasset

Rentrée littéraire 2016 : deux livres s’attaquent au désormais patrimonial meurtre de Sharon Tate par Charles Manson et ses girls hippies sales et inquiétantes. A ma gauche : « The Girls », premier roman d’une jeune Américaine, Emma Cline. A ma droite : le dernier Liberati, au titre « California Girls » d’une similarité confondante au précédent. A la lumière de quelques critiques lues ici ou là, à quoi l’on pourra ajouter mon scepticisme naturel envers le roman français me poussant à vouer une adoration rarement déçue vis-à-vis des auteurs américains, j’avais donc, a priori, quelques faveurs plus prononcées pour le Cline que le Liberati. D’autant plus que ce dernier ne m’avait pas bien convaincu avec le pourtant prometteur « Eva ».

Comme me l’a toujours conseillé ma grand-mère, lorsque j’étais le petit enfant banal à l’aversion prononcée pour tout aliment un peu vert, un peu légume, un peu fruit : « commence par la salade mal assaisonnée et les demi-avocats secs avant de te jeter sur les frites grasses et salées ».
J’attaquai donc le Liberati.

Et là, je tique. Dès les premières lignes, le « California Girls » s’avère être de la même eau que « Jayne Mansfiel 1967 ». S’attaquant de manière faussement chirurgicale à son sujet – Liberati relate les « trente-six heures de la vie de la Famille Manson au moment où elle passe  à l’acte » – sa photographie, pour reprendre une métaphore cinématographique, s’avère être tout en profondeur, tout en nuances. L’auteur accompagne ses protagonistes frappés, cruels et camés sans porter de jugements hâtifs ou généralistes : chacun, à sa manière, aura sa part de doute, d’animalité ou de perversion bien trop humaine. Et il ressort de ces 350 pages une métaphysique de la « Famille Manson » et de ses satellites (cow-boys, motards, et toute la clique californienne de la fin des sixties) passionnante et inquiétante. Formidable.

Le choix d’Emma Cline est délibérément plus fictionnel. Ce qui, pour un roman, n’apparaît pas comme une absurdité, on est d’accord. Cependant, dès le départ, quand nous écoutons Evie revenir sur son expérience d’ado en rupture totale avec ses parents divorcés et qui finit dans une sorte de secte hippie sous hypnose (et pas que), avec à sa tête Russel (dans le rôle de Manson, vous aviez saisi), tout paraît un peu surfait, un peu carton-pâte, en tout cas hyper attendu. On sent l’envie de bien faire, de se réapproprier cette histoire morbide en ne la travestissant qu’un minimum, un peu comme dans un remake (Polanski devient un chanteur à succès, rôle tenu d’ailleurs par un des Beach Boys dans la réalité : Dennis Wilson). Dans son choix de réécrire cette tragédie, Emma Cline aurait peut-être dû s’écarter plus strictement. Elle a le talent et l’écriture pour cela (certaines phrases, certains passages, il faut le reconnaître, sont particulièrement réussis). Au final, quoi qu’en dise Richard Ford qui s’emporte un peu sur la quatrième du livre : un roman assez terne au regard de ce qu’écrit, par exemple, une dramaturge ultramoderne comme Laura Kasischke.

Résultat des courses : deux choses.
Petit un : deux bouquins intéressants et bien écrits, mais l’un est très bon, l’autre juste plaisant, différence notable.
Petit deux, sous forme de morale de la fable : méfions-nous de nos a priori.

Christophe
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