Nathan Zuckerman, écrivain présent dans 10 romans de Philip Roth (dont La tâche), que beaucoup jugent comme son véritable double, vient faire un dernier ( ?) tour de piste. Pour des raisons médicales, notre septuagénaire est amené à quitter son ermitage volontaire pour retourner sur New York (pendant les élections qui se jouent entre Bush et Kerry). Il va rencontrer un jeune couple qui lui proposera d’échanger leur appartement new-yorkais contre sa maison, elle ayant la phobie de New York depuis les attentats du 11 septembre. Les quelques rencontres avec la jeune femme vont être terribles pour la simple et bonne raison que Zuckerman va s’en éprendre. 40 années d’écart, une maladie qui le rend incontinent et impuissant, bref, il n’a aucune chance. Et quand il y a un tel mur (vieillesse empêchant l’amour), chez Roth, c’est terrifiant de justesse. Aussi Zuckerman va écrire des dialogues fictifs entre elle et lui, à défaut de les lui dire en face, des dialogues d’une cruauté, d’une subtilité éclatantes.
Une fois de plus, chez Roth, le ton est juste. La colère de son héros face à l’injustice de l’amour va alimenter son instinct de survie, sa colère (contre Bush et son administration, ou encore un jeune loup qui veut transformer un écrivain disparu en sujet de tabloïds). Zuckerman quitte sa solitude pour redevenir le temps d’un court roman un animal asocial dangereux ! Et c’est salvateur ! On se dit que la vieillesse, la maladie et l’amour impossible ont ceci de réjouissant qu’elles transforment Zuckerman en pourfendeur de ce que Roth nomme un » enfer de débilité « , à savoir notre époque.
Percutant, oui, mais amer. Très amer.
Christophe
retour à la liste de conseils romans
