SOUS LE SOLEIL DE MINUIT – Juan DIAZ CANALES & Ruben PELLEJERO

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 ★☆☆☆☆ 

Casterman

Nous y voilà. Ca fait plusieurs années que la carcasse de Corto Maltese, lâchement abandonnée par Hugo Pratt, décédé il y a plus de vingt ans maintenant (en 1995), attire les vautours. Ayant-droits, éditeurs, auteurs… mmmh, par l’odeur alléchés, tous ces braves gens ont fini par signer leur pacte germano-soviétique : la suite des aventures du flegmatique pirate à la boucle d’oreille est confiée à deux auteurs espagnols, le scénariste Juan Diaz Canales (Blacksad) et le plus confidentiel Ruben Pellejero au dessin.

Je ne dirai pas grand-chose de leur travail dans « Sous le soleil de minuit » qui narre le passage de Corto en 1915 aux Etats-Unis et Canada (un épisode situé chronologiquement entre « La ballade de la mer salée » et « Sous le signe du capricorne »). Tant au scénar qu’aux dessins, on sent la sincère bonne volonté de « faire comme ». Mais on dira ce que l’on voudra, aussi talentueux les artistes que l’on mettra aux manettes de l’affaire, « faire comme » restera la pire des choses. On ne copie pas un esprit, on le singe, on le simplifie, consciemment ou non. L’érudition qu’Hugo Pratt transférait à son célèbre marin n’est pas inégalable par son étendue (et elle l’était !) mais uniquement par son originalité ! C’était la sienne, bon sang ! Ça venait de ses tripes, de son cerveau.

Je ne craignais pas la reprise des aventures de Corto Maltese, je savais que ça serait raté. Car il ne pouvait pas en être autrement, c’est aussi simple que ça. Aussi réussi que cet album puisse avoir été intrinsèquement (et ce n’est malheureusement même pas le cas, Dieu qu’il est long…), ça ne serait jamais un album de Corto Maltese.

Il y a peu d’exemples fictionnels aussi frappants, aussi forts, que lien Hugo Pratt / Corto Maltese. L’un est l’autre, et inversement. Il fallait sanctuariser « Corto ». Série aussi énigmatique, passionnante qu’incomplète, complexe et émouvante.

« Corto Maltese » reste un chef d’œuvre du XXème siècle. Demanderait-on la reprise des suites pour violoncelle de Bach ou des autoportraits (ha ha) de Rembrandt ? Je vous jure que je pèse ces comparaisons débiles.

Toute cette petite histoire n’est pas sans importance. Elle montre l’extrême cupidité d’une partie du monde de l’édition et la médiocrité de celui de la bande dessinée, dont certains acteurs apparaissent si peu intransigeants sur la création en général et leur propre art en particulier.

Christophe
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