PERFIDIA – James ELLROY

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 ★★★★½ 

Payot-Rivages

Los Angeles, 6 décembre 1941 – la veille de l’attaque de Pearl Harbor – une famille d’origine japonaise, le père, la mère et les deux enfants, est retrouvée baignant dans son sang (Seppuku ou Hara-Kiri, vous voyez le tableau). Même si tout porte à croire qu’ils se sont suicidés, ce qui arrange le LAPD (police de Los Angeles) qui compte bien ne pas trop s’attarder sur ces « Japs » morts, l’affaire va très vite se compliquer et perdre en évidence. Le choc de l’attaque kamikaze des Japonais va plonger tout le pays dans une haine et un racisme hystériques. Il faut que le LAPD, le FBI et tout le bastringue protègent la nation d’une hypothétique « cinquième colonne » – Japonais immigrés, cocos, artistes, liste non exhaustive – la vérolant de l’intérieur tandis qu’elle s’apprête à entrer en guerre.

C’est dans ce climat de paranoïa et de nationalisme atterrants qu’Hideo Ashida, lui-même Américain d’origine japonaise et fin limier du LAPD, va devoir lutter pour faire avancer l’enquête tout en protégeant littéralement sa peau. A ses côtés : l’agent Irlandais complètement taré Dudley Smith, à l’aura aussi magnétique que sa fureur assassine est sans bornes ; Kay Lake, sublime et cabossée (euphémisme), persuadée que sa remarquable intelligence lui permettra de jouer sans conséquences les taupes auprès de ses amis gauchistes ; et William Parker, jeune officier alcoolique à qui l’on promet déjà les clefs du bureau de directeur du LAPD, tiraillé entre son ambition, son sevrage tellement limite, son rapport aux femmes et sa parano.

Une belle brochette de frappés, perdue à l’image et au milieu de dizaines d’autres personnages, réels ou fictifs, tels que les affectionne James Ellroy le malade.

Si maintenant je connais bien la force du style – alternant le scalpel et la tronçonneuse – et de l’imaginaire fanatique de James Ellroy, ce géant du roman américain, multipliant les chapitres sur 800 pages, imposant à son lecteur un marathon à s’enquiller au sprint, la sensation de ses poumons se noyant dans de l’acide chlorhydrique, si je sais à quoi il faut m’attendre depuis son premier « Quatuor de Los Angeles » (« Dahlia Noir » et suite), la trilogie « Underworld USA » (« American Tabloid »…), je suis toujours surpris et bluffé par sa capacité absolument exceptionnelle à intégrer dans ce pavé furieux une émotion brute, réellement pure, où certains de ces monstres (Dudley Smith, Parker) sont pris à la gorge, s’humanisent l’espace d’un instant, vaincus le temps d’un paragraphe par la chevelure ou la photo d’une femme, la lettre d’un enfant ou même une détestation de soi aussi éphémère que douloureuse. Comme dirait Brel, Ellroy leur permet d’ « être une heure, rien qu’une heure durant, beaux et cons à la fois ».

Si vous n’avez jamais lu James Ellroy, faites attention : ensuite, tout vous paraitra tellement fade, convenu et frimeur.

« Perfidia » est le premier tome d’un second « Quatuor de Los Angeles » à venir qui se déroulera pendant la Seconde Guerre Mondiale, sorte de préquel au premier (« Le Dahlia Noir » commence par l’assassinat d’Elisabeth Short en 1947).

Christophe
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