DEMANDE ET TU RECEVRAS – Sam LIPSYTE

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 ★★★★☆ 

Monsieur Toussaint Louverture

Milo Burke a un boulot palpitant (à son image) : il recherche des mécènes pour une médiocre petite université américaine. Mais ici comme ailleurs, il est nul. Et il le sait. D’ailleurs il se fait lourder assez rapidement, le jour où il décide de sortir ses quatre vérités à une étudiante, malheureusement pour lui « fille de », bref, le genre de personne qu’il ne faut surtout pas se mettre à dos. Bien mal lui en a pris de jouer pour une fois la carte de la sincérité !

Milo a une vie médiocre : son fils le traite de « pédale » ; il soupçonne sa femme de le tromper avec un collègue homo ; sa mère, très castratrice, n’est pas très aidante ; et ce ne sont pas non plus ses fantasmes univoques et pathétiques de petit homme occidental replet qui lui apportent une meilleure estime de soi. Milo est un homme constamment irrité, mais trop inquiet et pleutre pour s’affirmer. Et quand il essaye, il se fait vite dominer. La terre entière semble se liguer contre lui, condescendante et odieuse.

Alors quand on lui promet de lui redonner son poste à l’université à la condition qu’il contacte un ex pote d’enfance, aujourd’hui très riche, dans l’espoir de lui faire cracher un gros paquet de dollars pour la fac, le simple fait qu’il juge cette proposition comme une opportunité pour lui et son épanouissement, montre bien à quel point il n’a pas beaucoup plus de fierté que de discernement.

Furieusement drôle, ce livre l’est ; la langue et l’inspiration de Sam Lipsyte sont vraiment jouissives. Mais cet auteur est un démiurge cruel (et on imagine satisfait !) tant son pauvre Milo Burke, fruit de son esprit et de sa plume, souffre le martyr. Cerné par une violence sociale latente et permanente, tant avec ses collègues que dans sa vie privée, et cet individualisme cynique et intransigeant si caractéristique de notre époque, Milo Burke a une conscience aiguë de sa couardise, ne trouvant refuge que dans l’amour qu’il voue à son fils, seule éclaircie dans cette peinture, aussi férocement noire qu’elle est tordante, de l’univers impitoyable du quadra occidental raté et lucide…

Christophe
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