ChROCUS #25 – J’AI ÉCOUTÉ LOUANE

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Vous avez déjà lu un récit de voyage ? Vous savez ces bouquins où, indifféremment, un homme, une femme, ou les deux ensemble, avec une vache parfois, un vélo souvent, traverse les trois quarts du globe, et se croit obligé de nous raconter tout ça en deux-trois-cents pages d’une bien belle écriture ma foi ?

Eh bien voilà je m’y mets. J’ai fait mon Vendée Globe, mon Anapurna, ma traversée de la Manche à la nage. Voyez-vous ça : j’ai écouté Louane (« Chambre Douze »)
Qui c’est ? Mais si : une sympathique miss, pas encore vingt ans, passée par The Voice et surtout très rapidement au faîte de la gloire grâce au rôle principal qu’on lui a proposé dans la fascinante « Famille Bélier » d’E. Lartigau. Suite du parcours attendue : l’enregistrement du compact disc.
Mars 2015 sort donc « Chambre Douze ».
On me dit souvent « Tu ne peux pas critiquer cet artiste, tu ne l’as pas écouté-lu-vu ». Bon. J’ai donc inséré le disque fraichement acheté, et c’est parti. On ne pourra pas me reprocher mon manque d’objectivité.

LOUANE - Chambre 12Alors : est-ce que je continue avec mon ironie et mon cynisme ou est-ce que ce petit ChROCUS devient carrément méchant ? Ce n’est pas forcément la peine de s’éterniser sur une éventuelle approche artistique de l’œuvre, car, vous le sentez venir, c’est complètement nul. Profondément. Toutes les chansons sont bâclées sur le même modèle, les paroles certainement créées par un quelconque programme informatique (je suis sûr que ça existe) sont saisissantes (« La pluie tombe sur la chambre douze / L’odeur des murs chante mon blues / J’y ai cru comme on croit en Dieu / Seule je rejoins ce joint de beuh« ). Les mélodies, parfois petites mécaniques qui sauvent du néant nombres d’opus, sont ratées et vides d’une quelconque émotion humaine. Et comble, en fin de disque : la reprise of course du titre du Grand Michel (Sardou, pas Houellebecq) « Je Vole » qui a fait la gloire éternelle du magnifique film cité plus haut. Et la plage juste derrière ? « La mère à Titi » de Renaud. C’est ce qui s’appelle tenter le grand écart, ou bouffer à tous les râteliers, comme vous voudrez.

Et alors quoi, qu’est-ça peut bien me faire ?
Bon. Que des collégiennes s’amusent avec ça pour faire monter l’adrénaline en pensant au ténébreux Kevin, passons, c’est de bonne guerre. Ce qui me fige c’est qu’on puisse écouter ça – et pire : aimer – passé douze ans et demi.
Et c’est là que ça me met très très en colère : car je trouve ça symptomatique d’une époque nécrosée de fainéantise, de manque de curiosité, de faiblesse culturelle. A l’heure où nous sommes soit-disant tous « Charlie », comment peut-on aller s’insurger contre la barbarie alors que notre profonde médiocrité l’alimente et lui borde son lit bien gentiment ?

Il va quand même falloir à un moment donné se poser les bonnes questions.  Est-ce qu’on continue à manger du poulet chez KFC (et ça vaut pour tout : livres, cinéma, musique, et beaucoup de nos choix de vie) tout en nous plaignant que rien ne va, que c’est la crise, que les responsables politiques sont tous incompétents ? Ou est-ce qu’on fait l’effort de trier dans la sauce figée de la goulache pour choper un bon morceau de bœuf bien tendre ? Aujourd’hui notre inconscience collective veut que le bonheur, le plaisir, les loisirs ne doivent surtout pas nous prendre la tête. Et on laisse la purée, l’huile tiède du laid métastaser nos connexions cérébrales.

On vit. Du carbone, des acides aminées, de l’eau et une chimie hasardeuse et unique… c’est pas déjà un p***** de miracle ça, non ?  Et en plus on est des êtres humains, c’est à dire avec une conscience, une intelligence, c’est magnifique et effrayant à la fois. On n’est pas des foutues gerbilles dans une animalerie ! Et qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? On regarde Cyril Hanouna, on fantasme sur Nabilla, on lit Zemmour ou Trierweiller.
Et on écoute Louane.

Conclusion en deux parties.

CHROCUS25-BADIOUPetit un.
Le philosophe Alain Badiou, dans son dernier livre (« Métaphysique du bonheur réel ») écrit :
« (…) pourquoi imposer à la pensée et à la vie les redoutables épreuves de la démonstration, de la logique générale des pensées, de l’intelligence des formalismes, de la lecture attentive des poèmes récents, de l’engagement risqué dans des manifestations de masse, des amours sans garantie, si ce n’est parce que tout cela est nécessaire pour qu’existe enfin la vraie vie (…) ?« 

 

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Petit deux.
J’ai écouté récemment au Transbordeur à Lyon le groupe québecois Godspeed You! Black Emperor. Le volume était clairement trop fort. Mais allié à leur déluge de son monstrueux et glaçant, j’ai vécu un concert inconfortable et émotionnellement saisissant, important, marquant et très certainement inoubliable.

J’arrête là. Soyez curieux.
(Ah si, une dernière chose : j’apprends sur la page Wikipédia de Louane qu’elle a décidé cette année de ne pas passer ses épreuves du bac. Okay.)

Christophe

Pour marque-pages : permalien.

2 réactions à ChROCUS #25 – J’AI ÉCOUTÉ LOUANE

  1. Guillaume a écrit:

    Ben moi je suis curieux mais fragile. Et au concert de Godspeed You j’ai failli dégueuler au premier accord de guitare tellement c’était fort. Mes vêtements et mon estomac bougeaient tout seuls et j’ai du sortir au bout de dix minutes.
    Mais c’est pas pour ça que j’suis allé écouter du Louane, loin de là. Ou même du Sardou.
    Non, au lieu de ça je suis allé boire des bières et fumer des clopes au bar.
    En fait il y a toujours une alternative à la tentation de la médiocrité.

  2. Pauline a écrit:

    Vite, vite, écoute alors ‘stratégie de l’inespoir’ !!!
    j’ai hâte de te lire sur le sujet !

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