Coup de sang des édiles Rochois lorsqu'est décidée l'implantation de la première gare sur la nouvelle ligne.

C'est ce que rapporte la délibération du Conseil Municipal en date du 31 août 1856 :

 « Le Conseil Municipal de la commune de Roche, après avoir pris connaissance des pièces déposées à la mairie de Novillars concernant le projet d'établissement sur le terrain de cette localité de la première station du chemin de fer de Besançon à Belfort, demande à l'unanimité l'établissement de cette station à Roche sur la partie de la ligne derrière le village.

Il s'appuie sur les motifs suivants :

La commune de Roche composée d'une population de 337 habitants a été autrefois choisie comme chef-lieu de canton (NDR : le 5 février 1790, Roche a effectivement été désignée chef-lieu d'un canton qui comprenait les communes d'Amagney, Longeaux-Dessous, Arcier, Braillans, Chalèze, Chalezeule, Marchaux, Novillars, Roche-lez-Beaupré, Thise, Grand-Vaire et Petit-Vaire ; la commune perd cette fonction en 1801 au profit de Marchaux), elle est encore aujourd'hui chef-lieu de perception. Située au centre de la partie du canton de Marchaux formée par la vallée du Doubs, elle est à 9 km de Besançon ; elle est traversée par la route impériale de Lyon à Strasbourg ; le canal du Rhône au Rhin longe ses maisons et la voie de fer qui touche le village se trouve à quelques pas de la route impériale et presqu'au même niveau que celle-ci.

Aussi tous ces motifs réunis avaient, dès le départ, déterminé les ingénieurs du tracé à choisir ce point comme la première station à partir de Besançon (NDR : la décision d'implanter une gare à Novillars avait été prise en compensation de la destruction de trois maisons habitées et de la Maison Neuve situées sur le tracé de la ligne).

La commune de Roche [?] aurait trouvé là un avantage qui n'eût été accordé que par un sentiment de justice. »

Suit un long plaidoyer de six pages manuscrites pour la cause de Roche dont on retiendra :

-Roche se situerait presque à équidistance entre Besançon et Laissey (deuxième station), ce qui ne serait pas le cas avec Novillars ;

-à Roche, il y a un palier de 400 m pour l'établissement d'une station, tandis qu'à Novillars il n'est que de 93 m ;

-la commune de Novillars, d'après le recensement de 1856, n'est composée que de 76 habitants, desquels il faut déduire 11 personnes ayant habité le hameau de la Cude qui vient d'être supprimé ; le village de Roche est environ cinq fois plus peuplé ;

-le port de Roche sur le canal connaissant parfois des réparations ou la rivière des crues, le transbordement des marchandises par train pallierait à ces inconvénients, ce qui ne serait pas le cas à Novillars ;

-la manufacture de papier Bécoulet et Voisin située à Arcier emploie environ 130 ouvriers ; la gare à Roche permettrait à ceux-ci de mettre moins de temps pour se rendre sur le lieu de leur travail grâce au bac public dans cette commune que s'ils devaient descendre à la station de Novillars ; choisir Novillars, serait « sacrifier les intérêts de la seule industrie importante du pays » ;

(NDR : cette usine a été détruite par un incendie en 1865 ; de sorte que Roche qui avait exigé de sa part une subvention annuelle pour l'entretien des chemins vicinaux qu'elle contribuait à dégrader par ses charrois de chiffons et de papiers se vit privée de cette ressource)

-les communes de Thise, Chalèze, Chalezeule, Arcier, Corcelles, Gennes, Nancray et Roulans demandent que la gare soit placée à Roche ;

-les sources d'Arcier sont un but de promenade pour les Bisonstins et le conseil municipal de cette ville s'est prononcé pour que la gare soit à Roche ;

-le mémoire de la Compagnie du chemin de fer ajoute : « La station de Novillars se trouverait en communication par des chemins pratiques avec le plateau de Nancray, Deluz, Roulans et Marchaux et il n'est pas douteux que Novillars est le point de convergence de toutes ces localités ». Roche fait observer qu'il n'y a pas de chemins vicinaux entre Nancray et Novillars et que " les habitants du plateau n'iraient pas faire 8 km par de mauvais chemins pour se perdre dans les champs de Novillars !" Quant à la liaison avec Marchaux, un chemin de défruit part de cette localité pour aller se perdre dans une prairie marécageuse avant d'arriver à Amagney?

La conclusion de ce plaidoyer ne manque pas de saveur : « le conseil municipal de Roche demande comment il se fait qu'une commune [Novillars] où les habitants de la montagne et du vallon convergent de toutes parts par les grands parcours soit réduite à une soixantaine d'habitants, ne compte que douze maisons environ dont deux sont portées comme inhabitées par le recensement du 29 mai 1856 et qu'il ne s'y trouve pas vestige d'une seule auberge ! »

Finalement, Roche obtiendra satisfaction (mais sans que la station de Novillars soit remise en cause) puisque la gare de Roche recevra son premier train le 1° juin 1858, date de l'ouverture de la ligne Besançon-Belfort. Une gare de marchandises y est également établie qui, incendiée en 1944 lors de la libération du village, sera reconstruite fin  1944, début 1945.