EPU95 – Montmorency

Neurologie

 Mise à jour du 24 Avril 2007

Les Maladies à prions

Pr. D. Dormont

Chef du service de neurovirologie - Centre de recherche du CEA à Fontenay aux Roses

Séance du 7 février 2002

1.                Introduction

Les Encéphalopathies Subaiguës Spongiformes Transmissibles (ESST), que l’on appelle de manière impropre maladies à prions, puisque le prion est une notion purement théorique qui n’a pas encore été formellement démontrée, sont des maladies rares. Ces maladies à prions touchent l’homme ou l’animal.

1.1. Chez l’homme

Quatre maladies appartiennent à ce groupe :

4    Le Kuru,

4    La maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ),

4    Le syndrome de Gerstmaen-Straüssler-Spheinker

4    L’insomnie fatale.

1.2. Chez l’animal

Il y a cinq maladies qui appartiennent au groupe des ESST.

1.2.1. La tremblante naturelle du mouton et de la chèvre

1.2.1.1. La maladie

C’est une vieille maladie connue depuis 1732. Elle est présente partout dans le monde sauf dans deux pays qui ont réussi à l’éradiquer, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Cette maladie peut être présente avec une incidence très élevée : certains troupeaux du bassin du Sud-ouest de la France ont parfois jusqu’à 15 à 20 % des animaux qui développent une tremblante.

1.2.1.2. 1ère démonstration de transmissibilité

Deux vétérinaires français, Cuiller et Chelles, en 1936, ont prélevé le cerveau d’un mouton malade. Ils en ont fait un broyat qu’ils ont filtré, puis ils ont inoculé directement dans le cerveau de moutons sains un aliquot de ce broyat. Les animaux inoculés ont développé, 2 ans plus tard, une maladie en tout point identique à la maladie naturelle.

1.2.2. L’encéphalopathie spongiforme bovine

C’est une maladie apparue au début des années 80 au Royaume-Uni.

1.2.3. L’encéphalopathie féline spongiforme

C’est une maladie qui concerne les chats (99 cas répertoriés dans le monde, 97 sont sur le territoire du Royaume-Uni, 1 au Lichtenstein, 1 en Norvège).

Cette maladie féline est liée à la contamination des chats par l’agent de l’encéphalopathie bovine spongiforme, contamination qui s’est effectuée probablement au travers de l’alimentation ; ceci démontre que les agents des ESST peuvent être pathogènes dans des espèces qui ne sont pas leur espèce d’origine, et donc capable de franchir les barrières d’espèces.

1.2.4. L’encéphalopathie transmissible du vison

C’est également un exemple de franchissement de barrière d’espèce : il existe des fermes qui élèvent des visons pour leur fourrure. Les visons sont des carnivores, et les éleveurs leur donnent à manger les carcasses non exploitables d’ovins ou de bovins dans les abattoirs. Si la carcasse de vache ou le mouton provient de bête infectée par l’agent de la tremblante ou par l’agent de l’encéphalopathie bovine, le vison en 7 mois en moyenne développe une encéphalopathie dont il va mourir. Comme les visons sont à plusieurs dans le parcage et qu’ils sont carnivores, lorsqu’un animal meurt dans une cage, il est mangé par les autres animaux de la cage qui à leur tour se contaminent.

Ceci explique la disparition d’élevage entier de visons en Finlande, en Allemagne, en ex-URSS, au Canada, et aux USA.

1.2.5. Le dépérissement chronique des ruminants sauvages

Cette maladie étonnante est la seule maladie à prion chez les animaux sauvages. Elle touche l’élan, le cerf, le daim, les grands ruminants sauvages dans les forêts de deux Etats américains, le Wyoming et le Colorado. Cette maladie est en train de monter dans le Nord des USA et le Sud du Canada où quelques cas viennent d’être diagnostiqués. Elle pose trois problèmes :

4    Premier problème : Comment un prion se transmet en dehors de tout contexte domestique et de toute intervention humaine ?

4    Deuxième question : Sur quel élément connaît-on que l’incidence augmente ? Dans ces Etats, un chasseur qui tue un cerf ou un gros ruminant sauvage a l’obligation d’apporter la tête aux autorités qui pratiquent un examen neuro-pathologique. Avec ce système de surveillance extrêmement fruste, passif et peu performant, les incidences de la maladie ainsi mesurées se situent entre 8 et 15 %. Même en tenant compte des biais intrinsèques de ce type d’évaluation, la prévalence de la maladie est quelque chose d’important dans cette population.

4    Troisième question : Est-ce dangereux pour l’homme ? Comme pour les autres maladies du groupe touchant les grands ruminants.

2.                Caractéristiques des ESST

2.1. Généralités

Que ces maladies soient naturelles ou expérimentales, qu’elles soient humaines ou animales, elles ont en commun un certain nombre de caractéristiques communes :

4    Elles sont transmissibles à des animaux de laboratoire.

4    Quand le sujet est infecté, une période d’incubation asymptomatique, extrêmement longue au regard de l’espérance de vie. Et chez l’homme, la période d’incubation la plus longue connue est de 47 ans.

4    Quand les signes cliniques apparaissent, ils sont la traduction unique de la dégénérescence du système nerveux central (SNC). En d’autres termes, il n’y a pas d’atteinte vasculaire, ni cardiaque ou hépatique, ni d’atteinte des nerfs périphériques sauf dans de rares cas japonais.

4    L’évolution se fait sur un mode subaigu sans rémission en 6 semaines à 6 mois en moyenne chez l’homme.

4    A l’autopsie, on constate que les lésions sont limitées au SNC et faites d’une triade caractéristique :

o        Mort neuronale massive

o        Vacuolisation des neurones

o        Prolifération des astrocytes et activation des astrocytes, appelée astro-gliose ou hyperastrocytose d’activation.

2.2. L’anatomie pathologique du SNC

2.2.1. Les vacuoles disséminées

Elles correspondent à une « gliose ». Elles sont mises en évidence par un immuno-marquage du protéino-glio-fibrillaire acide (GFAP). Celui-ci est un marqueur d’activation des astrocytes.

2.2.2. Plaque de dépôts amyloïdes

Ce sont ces plaques que l’on retrouve dans le vieillissement spontané, dans la maladie d’Alzheimer, mais dont la morphologie fine et la composition chimique est ici très différente.

4    Il n’existe aucun des signes que l’on voit habituellement dans les maladies infectieuses :

o        Pas de syndrome inflammatoire biologique,

o        Pas de fièvre,

o        Absence de réponse du système immunitaire,

o        Absence d’atteinte des gaines de myéline dans le SNC.

4    Ces ESST sont des maladies lentes sans démyélinisation et sans œdème cérébral, qui sont pourtant les signes caractéristiques des infections virales lentes du SNC.

4    Elles ne s’accompagnent pas d’afflux dans le SNC de cellules immunocompétentes. Le système immunitaire ne répond pas à la présence de l’agent, il n’y a pas de synthèse d’anticorps, donc pas de test de dépistage simple, et pas de réponse immune cellulaire qui puisse être mis en évidence chez les sujets qui sont infectés. Ceci est un paradoxe, car le système immunitaire est une cible de la multiplication des prions.

Comment expliquer que le système immunitaire ne réponde pas, alors même qu’il est infecté ?

Jamais personne n’a vu un prion, quel que soit le microscope utilisé.

Jamais on n’a vu un élément qui puisse ressembler de près ou de loin à un parasite, un champignon, un virus ou une bactérie, ceci parfois malgré un titre infectieux faramineux. Par exemple, lorsque le hamster expérimentalement inoculé par la tremblante du mouton, il a 1011 unités infectieuses par gramme de tissu cérébral, c’est-à-dire qu’avec 1 gramme de tissu cérébral on pourrait tuer 100 milliards de hamsters sains.

Ce sont des maladies qui peuvent incuber plusieurs dizaines d’années chez l’homme, pour lesquelles on n’a pas de test de diagnostic, pas de thérapeutique, et pour lesquelles on ne connaît pas l’agent étiologique, même si des hypothèses intéressantes et novatrices peuvent être proposées.

D’une façon générale et sans préjuger de l’avenir, dans l’état actuel des connaissances, ces maladies sont, tout au moins pour les maladies humaines, des maladies transmissibles mais pas contagieuses.

La seule anomalie biologique que l’on peut mettre en évidence dans ces maladies est une anomalie du métabolisme de certaines protéines. Le sujet infecté va accumuler, certaines de ces protéines et parmi ces protéines :

1.       Trois s’accumulent, indépendamment du titre infectieux, mais qui sont intéressantes sur le plan physiopathologique :

o        L’apolipoprotéine E, ayant une importance dans certaines formes génétiques de maladie d’Alzheimer.

o        La cathepsine D

o        La glutamine synthétase qui est une enzyme importante dans la compensation du stress oxydatif. On sait qu’il n’y a pas de mort neuronale sans stress oxydatif. Il y a donc une certaine logique à ce que cette glutamine synthétase soit hypersollicitée.

2.       Une protéine ne s’accumule que dans les ESST et proportionnellement au titre infectieux. C’est la Protéine P ou PrP-res pour protéine P résistante aux protéases. Dans l’état actuel des connaissances :

o        Cette protéine s’accumule proportionnellement au titre infectieux.

o        Elle se « co-purifie » avec l’agent infectieux, c’est-à-dire qu’à chaque fois que l’on essaye de purifier l’agent infectieux, on purifie cette protéine. Elle est le constituant majeur des fractions infectieuses. Quand on enlève la protéine des fractions infectieuses, l’infectiosité disparaît.

o        Tout se passe comme si la protéine était soit l’agent infectieux, soit intimement associé à l’agent infectieux.

La seule anomalie détectable et spécifique des ESST est donc l’accumulation d’une forme anormale d’une protéine de l’hôte, la PrP.

3.                ÉVOLUTION des Connaissances sur la PROTÉINE PrP

3.1. La Protéine PrP du sujet sain, dite PrP-c

Tous les mammifères ont une PrP. L’homme en a donc une. On ne connaît pas de PrP en dehors des mammifères. La protéine normale de l’homme, sans rentrer dans les détails de la formule, présente :

4    Des répétitions d’octapeptides qui fixent le cuivre,

4    Un domaine hydrophobe,

4    Un pont disulfure,

4    Deux sites de glycosylation , ce qui permet de détecter 3 formes de protéine suivant qu’elle est non-glycosylée, ou mono-glycosylée ou bi-glycosylée.

4    A sa portion C-terminale, une sérine qui va permettre de fixer une structure glucido-lipidique, appelé GPI (glycosylphosphatidyl inositol) ; grâce à cette structure la protéine va s’accrocher à la face externe de la membrane cellulaire.

C’est une protéine qui est à l’extérieur de la cellule, accrochée à la membrane cellulaire. Cela lui permet, en théorie, d’être soit un récepteur, soit une molécule d’interaction avec la matrice extra cellulaire.

3.2. La Protéine PrP du sujet infecté, dite PrP-res

Quand la protéine PrP a été découverte par S. Prusiner, au début des années 1980 (Prix Nobel en 1997), la première question posée fut : qu’est-ce qui diffère entre la protéine normale présente chez tous les hommes et la protéine qui va s’accumuler chez les patients infectés ?

La 1ère hypothèse soulevée fut : ne s’agit-il pas d’une modification de la séquence primaire de la protéine (modification de la composition chimique élémentaire de la protéine) ?

Cette hypothèse est mauvaise : la protéine pathologique a exactement la même composition chimique en acides aminés et aux mêmes positions que la protéine normale.

Comment expliquer qu’une protéine, qui ne modifie pas sa structure élémentaire, se mette à s’accumuler ?

Il faut postuler qu’elle acquiert de nouvelles propriétés physico-chimiques.

L’immuno-détection par western-blot de la PrP normale à l’aide d’un anticorps spécifique est facilement réalisable à partir d’un homogénat de cerveau sain. Sur l’électrophorèse apparaissent à des niveaux différents, la forme non-glycosylée, la forme mono-glycosylée et la forme bi-glycosylée de la protéine.

4    Si cet examen est pratiqué sur un homogénat de cerveau sain qui a été traité auparavant par une enzyme qui dégrade les protéines (la protéinase K), à l’électrophorèse il n’y a plus de signal correspondant à la protéine.

4    La protéine normale est digérée par les enzymes protéolytiques. En revanche la protéine pathologique, non seulement s’est accumulée (augmentation du signal), mais de plus elle est devenue résistante aux protéases.

Comment expliquer cette résistance aux protéases ?

L’hypothèse la plus probable, c’est que la PrP a simplement modifié sa forme dans l’espace. Si cette hypothèse est vraie (c’est l’hypothèse du prion et il y a beaucoup d’arguments qui la supportent), la protéine n’est absolument pas modifiée dans sa composition chimique élémentaire, elle change de forme dans l’espace. Ce simple changement de conformation suffit à en faire un agent infectieux. On rentre dans un nouveau domaine de la médecine et de la biologie, et si cette hypothèse se confirme, cela changera beaucoup de nos concepts.

Deux mécanismes sont possibles pour qu’une protéine s’accumule :

4    Soit le gène s’hyper-exprime

4    Soit il y a une anomalie du catabolisme.

Le gène de la Protéine PrP est connu (appelé PRPN). Il est situé sur le bras court du chromosome 20. C’est un gène très rustique : 2 exons séparés par un intron (10 kilobases) et toute la séquence codante est dans le 2ème exon.

-          Ce gène est exprimé majoritairement dans le SNC (50 fois plus dans les neurones que dans les cellules gliales)

-          En dehors du SNC, il est exprimé dans le système immunitaire surtout mais à des niveaux plus réduits.

Dans les modèles animaux, le gène n’intervient pas dans le mécanisme qui conduit à l’accumulation de la protéine.

-          Quand on quantifie chez les animaux infectés l’accumulation de la protéine pathologique, PrP-res (résistante aux protéases) ou PrP-sc (scrapie pour tremblante en anglais) et que l’on mesure l’expression du gène, on se rend compte que la protéine s’accumule sans modification de l’expression du gène.

-          il s’agit donc d’une anomalie post transcriptionnelle, au delà de la mécanique d’expression des ARN et de leur lecture par les ribosomes.

4.    la Maladie Creutzfeld -Jakob

Chez l’homme, en particulier dans la maladie de Creutzfeld Jakob, il existe 3 formes étiologiques

4    La Forme sporadique : c’est-à-dire sans lien entre les patients, sans lien entre le patient et l’environnement : apparaissant chez l’homme et la femme à égalité entre 60 et 70 ans. Plus de 90 % des MCJ sont sporadiques.

4    La Forme familiale : elle représente 5 à 10 % des MCJ. On note l‘existence de familles dans lesquelles à chaque génération 50 % des sujets sont atteints. Trois foyers ont été décrits (2 en Tchécoslovaquie, et 1 en Israël chez des juifs d’origine libyenne). Son apparition est plus précoce dans la vie (45 à 55 ans)

4    La Forme iatrogénique : elle est acquise au cours d’un acte médical ou chirurgical.

Ces trois formes sont transmissibles à l’animal, même la forme génétique. C’est le seul exemple en médecine d’une maladie génétique transmissible horizontalement.

4.1. Forme Sporadique de MCJ

Dans la forme sporadique, la PrP a une séquence normale, et un jour pour une raison que l’on ne connaît pas elle va changer de forme, s’accumuler et provoquer la démence.

4.1.2. Epidémiologie

C’est une maladie rare. Sur 10 000 français qui décèdent 1 meurt de MCJ. L’incidence est de 1 à 1,5 nouveaux cas par an et par million d’habitants

4.1.3. Clinique

C’est le tableau d’une démence pour laquelle il n’y a pas d’étiologie. La démence est toujours au premier plan de la clinique à la phase d’état de la maladie.

Deux signes sont très fréquents :

4    L’ataxie cérébelleuse qui existe pratiquement toujours

4    Les myoclonies qui permettent le diagnostic, et que l’on ne sait pas traiter.

o        Au début, elles sont déclenchées par l’examen médical : pincement d’un doigt va donner des clonies du bras,

o        Ensuite le même pincement entraînera des myoclonies de l’hémicorps

o        Ultérieurement, le seul fait de rentrer dans la chambre déclenchera de grandes crises généralisées de myoclonies.

Des myoclonies sans fièvre, avec IRM normale chez un sujet de 65 ans doivent faire suspecter une MCJ, surtout s’il y a une dégradation cérébrale.

4.1.4. Examens complémentaires

EEG

Il objective dans 60 % des cas, sur un fond de ralentissement général de l’EEG, des complexes triphasiques lents de 1,5 hertz de périodicité que l’on appelle des anomalies pseudo périodiques. Elles sont diffuses à l’ensemble des dérivations de l’EEG. Cet aspect chez un sujet qui commence à devenir dément en dehors de toute intoxication au CO, est un argument fort pour une MCJ.

L’étude du LCR

Elle permet de mettre en évidence à la période symptomatique la protéine 14-3-3. C’est une protéine associée à la mort neuronale quand celle-ci est importante :

4    On peut la détecter dans des maladies autres que la MCJ, par exemple au décours d’un accident vasculaire cérébral, dans certaines formes d’épilepsie, dans certaines formes de maladies d’Alzheimer, dans les encéphalopathies herpétiques.

4    Quand la clinique est évocatrice d’une MCJ, la présence d’une protéine 14-3-3 positive permet pratiquement d’affirmer le diagnostic.

4.2. Forme Familiale de MCJ

Elles sont toutes liées à une mutation dans le gène qui code la protéine PrP, et qui est appelé PRPN chez l’homme.

L’individu naît avec une protéine mutée. Cette protéine va fonctionner correctement pendant quelques dizaines d’années et puis elle va changer de forme, s’accumuler et provoquer la démence.

4    Les mutations retrouvées sont multiples. Leur pénétrance est de 1, c’est-à-dire que dès lors qu’un sujet est porteur de la mutation, il développera tôt ou tard la MCJ.

4    La mutation au codon 178 entraîne une forme familiale de MCJ , se traduisant par une démence.

Il est intéressant de rapprocher l’Insomnie Fatale de la forme familiale de MCJ.

4.3. L’insomnie Fatale

L’insomnie fatale est « fascinante », car elle est rare, 7 familles connus dans le monde.

C’est une insomnie rebelle à toute thérapeutique, confirmée à l’EEG des 24 heures et cet EEG objective une disparition sélective du sommeil paradoxal pendant quelques semaines au moins.

Elle évolue rapidement vers des troubles de l’équilibre, des troubles de l’articulation des mots, puis un état hallucinatoire extrêmement riche au plan onirique, puis le coma et la mort en 13 mois en moyenne.

C’est une insomnie mortelle dans 100 % des cas. Elle est liée à une mutation du gêne de la PrP et il s’agit de la même mutation que celle de la MCJ familiale au codon 178. Même substitution de base sur l’ADN, donc même substitution d’acides aminés et pourtant dans un cas c’est une maladie Creutzfeldt-Jakob, alors que dans l’autre cas c’est une Insomnie fatale.

C’est une maladie génétique, mais elle est infectieuse puisqu’elle peut être transmise à l’animal par inoculation d’un homogénat de cerveau du patient décédé.

On se trouve ici devant une même mutation du même gêne responsable de deux tableaux cliniques différents.

Il n’y a pas de traitement de la maladie à prions. Il existe quelques molécules qui ont une petite efficacité in vivo dans les modèles d’animaux sans en connaître le mode d’action :

4    la iodorubicine, les sulfates de sextran

4    les dérivés de l’amphotéricine B

Malheureusement, il faut pour être efficace que le traitement débute dès que l’animal est infecté, donc c’est inapplicable à l’homme, puisque le diagnostic de l’affection n’est fait que tardivement, le jour où le sujet devient symptomatique.

5.    Le prion

5.1. Transmissibilité

Les maladies à prions sont transmissibles, facilement au sein de la même espèce, mais aussi transmissibles entre espèces différentes.

4    La MCJ humaine est transmissible au singe, à la chèvre, au cochon d’inde, à l’hamster, à la souris, au rat, au chat, au furet et au vison ce qui représente un vaste spectre de transmissibilité interspécifique.

4    La transmissibilité entre espèces différentes est plus difficile qu’au sein de la même espèce. Il existe une barrière d’espèces que les agents sont capables de franchir.

4    Le déterminisme moléculaire de la barrière d’espèce dépend de l’homologie de séquence du gène de la PrP du donneur et du receveur. Plus ces gènes sont proches, plus la transmission spécifique est facile ; plus ces gènes sont différents et plus la transmission sera difficile.

5.2. La protéine P a deux rôles

Le rôle

Normale, elle est le facteur de susceptibilité à l’infection. Pathologique, elle est certainement l’agent infectieux lui-même.

Exemples :

-          Le singe a une PrP qui est à 98 % homologue à celle de l’homme, la transmission au singe réussit dans 95 % des cas.

-          La souris qui a une PrP a 70 – 80 % identique à celle de l’homme, la transmission homme-souris ne réussit que dans 15 % des cas.

Si maintenant par les procédés modernes de la biologie, on introduit le gène de la PrP humaine chez une souris (souris transgénique exprimant la PrP humaine), l’animal transgénique devient sensible à 100% des cas à la MCJ. Cela montre bien que le gène de la PrP est bien le facteur nécessaire conditionnant la barrière d’espèce.

En restant dans l’exemple homme-singe, si on prélève du cerveau d’un patient atteint de MCJ et que l’on purifie les fractions infectieuses de la PrP, c’est-à-dire la PrP pathologique humaine et si on l’inocule au singe. Le singe, quelques années plus tard, développe une MCJ expérimentale.

Comme dans toutes les maladies à prion, le singe a accumulé la PrP pathologique, mais la protéine accumulée n’est pas la protéine humaine qui a servi à l’infecter. Le singe accumule sa propre protéine sous une forme anormale. Il faut donc imaginer :

4    Un premier mécanisme, par lequel la protéine humaine, qui sert d’agent infectieux pour le singe, interagit avec son homologue simien et lui transfère son anomalie

4    Un 2ème mécanisme par lequel cette première molécule de singe, rendue anormale, propage son anomalie au sein de l’organisme infecté.

Et nous pourrons dire, en toute rigueur, que la composition chimique élémentaire de l’agent infectieux qui se développe chez le singe n’est pas la composition chimique de l’agent infectieux qui a servi à le rendre malade.

Pendant la période asymptomatique, où se trouve l’agent infectieux ?

Est-ce qu’on est dans une situation où l’agent est dans un réservoir, sans se multiplier comme on le pense parfois dans certaines formes de tuberculose ;

Est-ce une situation semblable au VIH où l’agent se multiplie constamment en créant des désordres que l’organisme au début compense ? C’est ce qui se passe avec le prion.

Une souris inoculée par voie intra péritonéale, par l’agent de la tremblante du mouton. Dès le 4ème jour après l’infection, l’agent est dans le système immunitaire, dans les organes lymphoïdes secondaires, et il se met à se multiplier, jusqu’à la mort de l’animal. Ce n’est qu’à partir de la 2ème moitié de la période d’incubation que l’agent commence à être détectable dans le SNC. Une fois qu’il est dans le cerveau (neuro-invasion), la réplication est quasi-exponentielle, mais les signes cliniques n’apparaissent que 180 jours après l’infection. Avant que les signes cliniques n’apparaissent, l’agent est présent à un haut titre dans le SNC et en dehors du SNC au moins dans certaines maladies à prions.

5.3. Le degré d’infectiosité des organes d’un sujet infecté

Le classement de l’O.M.S. est fonction des organes atteints et des risques infectieux potentiels. Elle prend en compte toutes les maladies à prion connues, toutes les distributions d’infectiosité connues, le tout dans un « un scénario catastrophe »

Ce tableau récapitule les organes en fonction de leur catégorie pour déterminer le risque potentiel d’infectiosité.

 

Classification OMS

4    Catégorie 1 : haute infectiosité : atteinte du SNC (sans oublier la rétine et l’oreille interne)

4    Catégorie 2 : infectiosité moyenne : c’est le tissu lymphoïde secondaire (tube digestif, rate)

4    Catégorie 3 : infectiosité faible ou intermittente : les gros troncs nerveux, le poumon, le foie, le pancréas.

4    Catégorie 4 : pas d’infectiosité détectée : le sérum, le muscle squelettique, le lait è cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de prion, mais insuffisamment pour établir une infection chronique et une maladie.

 

5.4. Les paramètres de la transmission

Les paramètres sont nombreux et dépendent de :

-  L’inoculum : la dose d’agent, la souche d’agent, l’espèce donneuse,

-  la voie d’inoculation : intra cérébrale, injection ou instrumentale, voie orale

-  la génétique de l’hôte et particulièrement le gène de la PrP,

-  l’état du système immunitaire.

 

Efficacité différentielle de plusieurs voies d’inoculation

4    La voie intra cérébrale qui est de loin la plus efficace

4    La voie intraveineuse est 7 à 10 fois moins efficace que la voie intra cérébrale,

4    La voie sous cutanée est 25 000 fois moins efficace que la voie intra cérébrale,

4    La voie orale est 125 000 fois moins efficace que la voie intra cérébrale.

 

Ce tableau est valide, pour la maladie Creutzfeld-Jakob classique. En revanche, il n’est certainement pas vrai pour la nouvelle variante de MCJ, liée à l’agent bovin qui se propage beaucoup plus facilement par voie orale.

Donc à l’hôpital et en pratique médicale, il faut faire attention surtout dans les actes qui donnent accès au système nerveux :

4    En neurochirurgie (intervention stéréotaxique, greffe de dure mère,…)

4    En ophtalmo,

4    En ORL

4    En neurologie quand on fait des ponctions lombaires.

5.5. La résistance de l’agent infectieux

5.5.1. Le contexte

Un des problèmes que pose ces maladies rares est la résistance des agents infectieux aux méthodes qui habituellement inactivent les micro-organismes.

Aucune des techniques, utilisant la chaleur sèche (le four, ne décontaminent totalement un objet ou une matière infecté par ce type d’agent infectieux : 

-          à 180 ° pendant 24 h,

-          à 320 ° pendant 1h,

-          à 600° pendant 15 minutes.

5.5.2. Les procédés efficaces

Il existe trois procédures actines vis à vis de ces agents infectieux :

-          L’autoclavage (chaleur humide) pendant 18 minutes à 134° – 136°

-          La soude normale pendant une heure à 20° C

-          L’eau de Javel pure ou au demi, pendant 1 heure à 20° C.

Ce sont des procédés extrêmement drastiques. Il ne faut pas se contenter du « Poupinel » !

Deux professions doivent prendre cela en compte :

-          les neuro-chirurgiens, ophtalmo et ORL

-          les dentistes qui doivent s’équiper en autoclave,

Si, par hasard, cette n.v-MCJ commençait à se disséminer, les médecins praticiens d’une façon générale qui utilisent des instruments devront appliquer les procédures d’inactivation efficaces.

5.5.3. Les formes de résistance

Comme d’habitude, les micro-organismes arrivent à échapper à l’inactivation dans certaines situations.

Par exemple, le VIH, virus fragile à la chaleur, est en général détruit dès 56 °. Mais si le VIH, au lieu d’être mis dans un  milieu de culture, est placé dans une solution très concentrée en protéines, il faudra 45 minutes pour l’inactiver. Car l’environnement protéique protège le virus d’une inactivation par la chaleur. Pour les prions, c’est un peu semblable dans une autre situation :

4    Quand on prend du prion d’une MCJ, qu’on l’inactive suivant les recommandations de l’OMS (135-136° pendant 18’ à l’autoclave), et qu’on inocule ensuite les animaux avec le matériel traité, aucun animal ne tombe malade.

4    Si, avant la mise en autoclave, on utilise la méthode qui se pratique dans tous les services d’ana-path de France, c’est-à-dire d’immerger le cerveau dans du formol pour le fixer et pour pouvoir l’examiner au microscope, à ce moment là l’autoclave n’est plus efficace. Le pré-traitement par le formol inhibe les effets ultérieurs de l’autoclave.

5.6. Les mécanismes d’action du prion

Quand on ne connaît pas l’agent infectieux, l’une des façons d’approcher sa nature, c’est de lui appliquer des procédés d’inactivation physico-chimique dont on connaît les mécanismes.

-          Chaque fois que l’on applique des procédures qui ne touchent pas aux acides nucléiques, mais qui découpent ou dénaturent les protéines en modifiant leur forme, on perd l’infectiosité.

-          Quand on applique des procédures qui altèrent les acides nucléiques sans toucher à la structure tridimensionnelle des protéines, il n’y a pas d’effet sur l’infectiosité.

Tout se passe comme si les acides nucléiques n’avaient aucun rôle sur l’infectiosité. Tout se passe comme si la structure tridimensionnelle des protéines était le support de l’infectiosité.

5.6.1. Le rôle de la Protéine PrP

Chez le sujet normal

Le rôle de cette protéine est mal connu. On a quelques éléments qui permettent de penser qu’elle intervient :

-          dans la transmission synaptique,

-          dans la compensation du stress oxydatif,

-          qu’elle interagit avec la matrice extracellulaire.

On n’a pas une vraie vision de son rôle général dans le SNC.

Chez le sujet infecté

La protéine a trois rôles :

-          Elle règle la barrière d’espèce.

-          Elle règle la susceptibilité individuelle à l’infection par les prions.

-          Elle a un rôle majeur dans la pathogénèse :

o        C’est à cause de son changement de forme, que la protéine s’accumule.

o        C’est à cause de cette accumulation dans la cellule neuronale que cette cellule va mourir. Comme les neurones ne se régénèrent pas et que l’on n’est pas capable de les régénérer, c’est à cause de cette accumulation de la protéine que l’individu meurt.

Les chercheurs suisses ont été les premiers à réaliser des souris « knock out » pour le gène de la PrP, c’est-à-dire des souris génétiquement manipulées qui n’expriment pas la protéine PrP. Ces souris n’ont aucune protéine PrP :

-          Elles ont un développement normal

-          Elles apprennent un peu moins vite, mais la rétention du conditionnement est correcte

-          Elles n’ont pas de déficit neurologique

-          Mais surtout elles ne sont pas infectables par les prions.

On peut en déduire que pour être infectable par un prion, il faut extérioriser la protéine normale à la surface de ses cellules.  Ces souris ont été très utiles pour appréhender certaines notions en santé publique que l’on subodorait mais que l’on n’avait pas démontrées.

-          Des souris « knock-out », auxquelles on inocule dans le cerveau un prion (peu importe lequel), vont mourir de vieillesse (700 jours). Si, à leur mort, le cerveau est recueilli pour être inoculé à une souris non résistante au prion, cette dernière va être atteinte de la maladie.

-          Cela veut dire que le prion est capable de rester infectieux 700 jours dans un milieu biologique qui ne lui permet pas de se répliquer.

Métabolisme de la Protéine PrP normale

La protéine PrP est synthétisée dans le réticulum endoplasmique. Elle est terminée dans l’appareil de Golgi. Ensuite, elle est exportée à la membrane cellulaire, où elle va rester 5 heures en moyenne. Au bout de ces 5 heures, elle est internalisée par la cellule pour être dégradée dans les endosomes et les lysosomes.

Les chercheurs américains ont montré que c’était au cours de cette internalisation que la protéine changeait de forme et devenait résistante aux protéases.


 


Différences tridimensionnelles entre PrP-c et PrP-res

Il y a deux grands types de structure des protéines :

-          Les hélices alpha qui ressemblent à des escaliers en colimaçon

-          Les feuillets bêta plissés qui ressemblent à de la tôle ondulée

La protéine normale a majoritairement des hélices-a, alors que la protéine pathologique a majoritairement des feuillets ß plissés.

Grâce à K. Wüthrich, biophysicien de Zurich, on sait à quoi ressemble la protéine PrP-c (normale).

-          Elle possède trois hélices a et deux petits feuillets ß plissés.

-          Il existe deux zones dans cette protéine :

o        Une zone hautement structurée, avec les hélices a et les feuillets ß plissés

o        Une queue flexible, sans structure prédéfinie.

Aujourd’hui, on ne connaît pas la structure de la protéine pathologique. Donc on ne sait pas si l’hypothèse du prion est la bonne. Mais cependant on peut faire des modèles :

Lorsque la protéine normale devient pathologique, l’une des trois hélices disparaît et à la place de cette hélice apparaissent 4 feuillets ß plissés, sans modification de la séquence primaire de la protéine.

Rôle du système immunitaire

Pour être infecté par un prion, il faut un bon système immunitaire. Il existe des souris manipulées que l’on appelle souris « SCID ». Elles ont une mutation qui a pour conséquence la suppression de tout le système immunitaire. On peut leur greffer un système immunitaire qui les rende à nouveau immunocompétentes.

-          Si on inocule des souris « SCID » avec un prion, seules 30% tombent malades, alors que les souris qui ont le même fond génétique mais sans la mutation « SCID » sont malades dans 100% des cas.

-          Si on restaure le système immunitaire des souris « SCID » avant de les inoculer, elles deviennent susceptibles à l’infection par le prion.

Le processus de la contamination par voie orale

Lors d’une exposition, le prion traverse la muqueuse digestive, probablement au niveau des cellules M et le premier site de réplication seront les plaques de Peyer du tube digestif.

A partir des plaques de Peyer, transporté certainement par le lymphocyte B, l’agent va être emmené dans les organes lymphoïdes secondaires (rate, ganglions lymphatiques).

 


 


Dans les organes lymphoïdes secondaires, il va aller se localiser dans une catégorie cellulaire, que l’on appelle cellules folliculaires dendritiques « FDC » (voir schéma). Ces cellules sont dans des centres germinatifs et ce sont elles qui guident les lymphocytes B pour leur indiquer le type d’anticorps qu’il va falloir synthétiser. Tout près de ces cellules dendritiques, il existe des filets nerveux ortho-sympathiques. L’agent utilise cette proximité, entre la cellule immunocompétente dans laquelle il peut se multiplier et les filets nerveux, pour entrer dans le système nerveux périphérique « ENS » et ensuite remonter peut-être par voie axonale rétrograde ou par infection des cellules de Schwann jusqu’au ganglion de la racine postérieure. Ensuite l’agent pénètre dans la moelle et utilise les cordons postérieurs pour se disséminer à l’ensemble du SNC.

5.7. La Maladie de Creutzfeld Jakob iatrogénique

5.7.1. La porte d’entrée peut être centrale (SNC)

Le scénario est toujours le même :

-          Un patient subit un prélèvement ou est opéré alors qu’il n’a pas encore déclaré les signes de MCJ et qu’il n’existe pas de test détecteur pour en faire le dépistage.

-          On transplante le prélèvement à un autre sujet, ou on utilise les mêmes instruments de chirurgie avec des procédures de stérilisation d’avant 1995 non aux normes « prion », et on transmet ainsi la maladie.

On dénombre, ainsi, en France :

-          3 cas après transplantation de cornée

-          7 cas après acte neurochirurgical

-          123 cas après greffe de dure mère. Ceci explique pourquoi les greffes de dure mère sont interdites en France d’autant qu’il existe des solutions alternatives.

5.7.2. La voie d’entrée peut être périphérique

C’est le cas lors de traitement par à l’hormone de croissance extractive (plus de 130 cas). Cette hormone était préparée à partir d‘hypophyses prélevées dans les morgues jusqu’en 1985-87. On a dû prélever 1 ou 2 hypophyses chez des personnes qui étaient infectées, mais qui étaient mortes d’autre chose et l’on a ainsi contaminé des lots entiers d’hormone, d’autant que les instruments de manipulations et de recueil n’étaient pas soumis à des méthodes de désinfection efficace.

5.7.3. Une observation exceptionnelle…

Une femme de 67 ans arrive à Lausanne avec un syndrome épileptique particulier justifiant une exploration avec des électrodes de stéréotaxie en vue de localiser le point de départ en vue de sa destruction. Tout ce passe bien. L’infirmière chef de bloc décontamine les électrodes à l’oxyde d’éthylène sans aucune erreur. Dans les semaines qui suivent, on opère un jeune homme de 17 ans, une jeune fille de 23 ans pour la même raison et avec les mêmes électrodes.

La première patiente, au lieu de s’améliorer, s’aggrave. Le chirurgien. Il pense non seulement à la MCJ, mais au risque éventuel et il met les électrodes dans son bureau sous clef. Malheureusement 16 mois et 20 mois plus tard le jeune homme et la jeune fille meurent de MCJ.

A ce moment là, il envoie les électrodes, à Béthesda aux USA. Les chercheurs américains refont sur deux chimpanzés avec les mêmes électrodes l’opération faite sur les 2 jeunes gens et 20 mois plus tard les 2 chimpanzés meurent. Deux ans n’altèrent pas l’infectiosité !

La voie d’incubation conditionne la durée d’incubation et les signes cliniques :

-          Si on prend ces 2 jeunes gens, c’est comme si on les avait inoculé par voie intracérébrale, la période d’incubation a été courte de 16 et 20 mois. Cliniquement ils ont présenté une démence comme dans la MCJ habituelle.

-          Si on regarde les enfants qui ont été traité par l’hormone de croissance par voie S.C. ou I.M., ce n’est plus une contamination par voie intracérébrale, c’est une contamination par voie périphérique, la période d’incubation n’est plus de 16 à 20 mois , elle est de 5 à 35 ans. Cliniquement n’est plus une démence mais une grande ataxie cérébelleuse.

Grâce aux Inspecteurs régionaux de la santé et aux épidémiologistes de l’INSERM, on sait que la période de contamination en France a eu lieu entre le 1° janvier 1984 et le 1° avril ou 1° juin 1985.

968 enfants ont été traités, pendant cette période, 80 sont morts.

 

Année

USA

RU

France

1996

15

16

39

2001

29

30

80*

(* 80 cas morts, mais il y en a 6 qui sont actuellement malades, et pendant 15 à 20 ans d’autres cas vont apparaître)

5.8. La susceptibilité génétique

Ces maladies de Creutzfeld-Jakob iatrogéniques sont à la frontière de la génétique et des maladies infectieuses. Ceux qui développent la maladie n’ont-ils pas une génétique particulière ?

On a recherché les mutations dans le gène de la Protéine P. On n’en a pas trouvé.

5.8.1. Le codon 129

On retrouve un polymorphisme au niveau du codon 129, totalement silencieux au plan clinique et biologique. A ce niveau :

-          Peuvent être codé à ce niveau soit une méthionine soit une valine

-          On peut être soit

o        homozygote : méthionine/méthionine, ou valine/valine

o        hétérozygote : méthionine/valine

-          Dans la population générale 50 % des gens sont homozygotes, 50 % sont hétérozygotes

Dans les MCJ liés à l’hormone de croissance, plus de 90% sont homozygotes au codon 129. Les Français, les Anglais et les Américains ont le même résultat dans leur série.

Les études ont montré que l’homozygotie au codon 129 était le facteur de susceptibilité à toutes les formes de MCJ y compris les formes sporadiques.

5.8.2. Le codon 178

On était surpris de voir qu’une même mutation au codon 178 pouvait entraîner soit une Insomnie fatale soit une MCJ familiale. Maintenant on sait pourquoi :

-          Lorsque le gène qui est muté en 178 a une méthionine en 129 è une Insomnie fatale.

-          Lorsque le gène qui est muté en 178 a une valine en 129, è une MCJ.

Donc c’est la mutation qui induit la maladie, mais c’est la structure du gène en amont de la mutation qui détermine le phénotype clinique.

5.8.3. Quels sont ces agents infectieux. ?

Aujourd’hui encore, on ne sait pas.

-          Certains disent, c’est un agent infectieux, donc il y a un acide nucléique et une sorte de virus.

-          Pour d’autres, l’élément majeur c’est la protéine PrP qui est pathologique, car quand on enlève la PrP pathologique on enlève l’infectiosité, donc l’agent est la protéine PrP pathologique. C’est l’hypothèse du prion. L’hypothèse du prion c’est que toute la pathogénicité est contenue dans la structure tridimensionnelle anormale de la protéine.

5.9. La propagation de conformation pathologique

La protéine PrP normale est synthétisée, exprimée à la surface de la cellule et au bout de 5 heures internalisée pour être dégradée. Le calcul informatique permet de montrer qu’à partir de la structure de la protéine normale stable on peut générer une forme normale instable que l’on appelle PrP*. La demi-vie de cette forme instable est très brève et très rapidement elle redonne la forme stable.

Si au moment de la forme instable générée, il y a dans l’environnement une molécule pathologique, il va y avoir accrochage de la forme normale instable à la forme pathologique. Cette dimérisation entre la protéine normale et protéine pathologique fait que la protéine normale change de forme et adopte la forme de la protéine à laquelle elle s’est accrochée. C’est la théorie de la propagation de conformation pathologique par interaction directe protéine/protéine.

6.    L’encéphalopathie spongiforme bovine

6.1. Historique

1° cas suspect en 1985

1° cas démontré en 1986.

Entre fin 1986 et 1988 nos collègues vétérinaires, médecins et scientifiques britanniques ont tout fait, tout compris et ont fait un travail remarquable :

-          ils ont montré que c’était une maladie à prion

-          ils ont décrit la clinique, l’ont transmise expérimentalement et trouvé l’origine : des farines de viandes et d’os préparée à partir de carcasses de ruminants

-          ils ont proposé la seule mesure de bon sens à leur gouvernement : l’interdiction des farines de viande et bœuf dans la nourriture des ruminants. C’est ce que l’on a appelé le «Feed back». Cette mesure administrative fut introduite en mi-88.

6.2. La maladie

Elle met 5 ans à incuber. Les effets d’une mesure administrative mi-1988 ne se voit qu’à partir de 1993. Effectivement à partir de 1993 le nombre de cas augmente de façon presque exponentielle.

Les animaux qui sont nés après ce feed back, n’auraient jamais dû développer d’encéphalopathie bovine spongiforme. Or, il y en a 40 000 que l’on appelle animaux naïfs, car nés après l’interdiction des farines. Trois hypothèses peuvent être émises :

-          La persistance dans l’environnement de l’agent infectieux : on sait que l’agent est très résistant et peut persister dans l’environnement pendant des années. La forme actuelle de l’épidémie britannique ne permet pas de donner à la contamination de l’environnement un rôle majeur pour la propagation de la maladie.

-          La transmission mère-veau : elle existe mais à un taux faible (5 % environ) quand la mère est dans la dernière année d’incubation.

-          La seule explication des 40 000, ce sont des fraudes sur la distribution des farines. Maintenant on le sait après les enquêtes policières.

6.3. La dangerosité vis à vis de l’homme

Il existe trois niveaux de risque : la promiscuité avec les bovins infectés, la consommation de lait et des produits laitiers, la consommation de viande et d’abats.

Promiscuité avec les bovins infectés.

Quatre agriculteurs britanniques ont développés une MCJ alors qu’ils avaient eu des vaches folles dans leur troupeau. Cela n’a rien à voir avec l’encéphalopathie bovine. On peut être quasiment affirmatif sur ce point, car ils ont l’âge, la clinique, la neuropathologie et les propriétés biologiques de MCJ sporadiques.

Consommation de lait et des produits laitiers.

Le lait n’est pas vecteur d’infectiosité, ne transmet pas la maladie dans l’état actuel des connaissances quelle que soit l’espèce. Il y a une maladie humaine, le Kuru, une maladie des papous de Nouvelle-Guinée où persistait jusqu’à une date récente un cannibalisme avec consommation du cerveau de la victime. Une étude a porté sur 600 femmes papous qui ont nourri au sein alors qu’elles étaient en fin d’incubation ou en début de maladie clinique. Aucun des enfants n’a développé la maladie de leur mère. La transmission par le lait est à écarter.

La consommation de viande et d’abats

Le muscle squelettique ne transmet pas la maladie. Ce sont les abats et particulièrement le cerveau qui présentent un risque majeur. Le beefsteak n’est pas vecteur de l’agent, s’il n’est pas contaminé par du tissu nerveux lors des processus de découpe des viandes.

6.4. L’importance du problème

 

Etat du nombre de vaches folles en mars 2000

RU

France

Eire

Suisse

Portugal

Allemagne

Italie

180 000

484

800

450

500

6*

10

 

(* chaque cas était signalée comme une bête venue de GB ou de Suisse, jusqu’au jour où il fut démontré que la bête n’était ni anglaise, ni suisse et depuis le nombre a augmenté)

 

Il n’y a pas de pays actuellement épargné en Europe.

On peut considérer aujourd’hui qu’il y a eu 180 000 cas de vaches folles au Royaume Uni et moins de Ζ 000 dans le reste de l’Europe. Donc le niveau de risque est plus important au Royaume-Uni qu’en dehors.

6.5. Le risque pour l’homme

L’ampleur du problème

On pense que 900 000 bovins infectés sont passés dans la chaîne humaine, et le pic de l’exposition de l’homme fut en 1988. Pour mémoire, un bovin, compte tenu des techniques industrielles actuelles, peut se retrouver dans 200 000 assiettes, ceci pour donner l’idée de la dispersion potentielle que peut avoir l’agent. S’il y a un risque pour l’homme, c’est cela qu’il faudra gérer.

Un modèle explicatif

Pour estimer le risque il faut tenir compte du lieu de localisation de l’agent infectieux. Malheureusement la distribution de l’agent infectieux varie (en dehors du système nerveux) d’une espèce à l’autre et d’une souche de prion à l’autre.

La vache folle n’a du prion que dans son cerveau quand elle est à la phase clinique. Mais le problème n’est pas la vache folle qui est détectée par le vétérinaire à l’abattoir et qui est alors mise hors du circuit alimentaire. Ce qui est important c’est où se situe l’agent infectieux chez la vache en incubation de la maladie.

Les britanniques ont fait l’expérience suivante : ils ont pris 40 veaux, ils les ont exposé à l’agent bovin par voie orale et tous les 2 ou 3 mois ils ont tué 2 veaux et ils ont re-inoculé les tissus de ces tissus à des souris pour tracer l’agent infectieux. Ils ont vu que

-          Pendant les 4 premiers mois on ne détecte pas l’agent

-          A partir du 6ème mois on détecte l’agent dans la partie distale de l’intestin grêle. Cette positivité de l’iléon distal reste présente jusqu’à la mort de l’animal.

-          A partir du 30-34ème mois, l’agent devient détectable dans le ganglion rachidien

-          Du 36ème mois, dans le SNC

-          A 38-40 mois la vache a des signes cliniques.

Ceci explique pourquoi les intestins des bovins sont interdits à la consommation.

La transmissibilité

L’autre façon d’estimer le risque, c’est de voir si cet agent est transmissible à d’autres espèces facilement. Parmi toutes les espèces testées par voie intracérébrale, il n’y a guère que le hamster et le poulet qui soient totalement résistants. Tous les autres y sont sensibles.

Dans la MCJ sporadique, on n’a jamais trouvé l’agent infectieux dans les ganglions lymphatiques.

En revanche, dans les 27 cas de MCJ nouvelle variante (nv-MJC) qui ont été étudiés, on a trouvé l’agent dans 27 cas/27 dans la rate, dans les ganglions, dans les amygdales. C’est dire que l’agent est à haut titre en dehors du SNC dans cette nouvelle forme de MCJ. Aujourd’hui, dans la nv MCJ, le diagnostic peut être fait par l’examen d’une biopsie de l’amygdale (aspect spécifique).

Deux patients britanniques ont été opérés de l’appendicite 11 mois et 3 mois 1/2 avant que les signes cliniques de nv-MCJ n’apparaissent. Les neurologues ont récupéré les pièces opératoires dont l’examen a montré la présence de la protéine P pathologique. Tous les actes chirurgicaux deviennent des actes à risque et pas seulement les actes neurochirurgicaux !

Les deux paramètres que l’on attend sont :

-          Le nombre de cas à venir. Cet élément va déterminer le risque pour la population.

-          Y a-t-il une infectiosité ou non dans le sang ?

7.    Conclusions

 On est en face d’une maladie émergente !