EPU95 – Montmorency

Diabète - Endocrinologie - Maladies Métaboliques

 Mise à jour du 11 Mai 2007*

Le syndrome MÉTABOLIQUE

Pr. S. Christin-Maître

(Service d’Endocrinologie – Hôpital Saint Antoine Paris)

Séance du 2 mars 2005

 

1.   DÉFINITION

1.1. Historique

La notion de syndrome métabolique « SM » est relativement récente :

-          Le marseillais Jean Vague dans les années 1960 fut le premier à émettre le concept que l’obésité androïde (localisée au ventre) était délétère sur le plan métabolique par rapport à l’obésité gynoïde.

-          L’américain Gerald Reaven en 1988 a parlé du syndrome X mettant l’insulinorésistance au cœur de ce syndrome. On commençait alors à penser que l’obésité abdominale pouvait être dangereuse.

Un  tour de taille élevé, supérieur à102 cm chez l’homme et à 88 cm chez la femme, traduit une obésité viscérale c’est à dire que la masse grasse entoure les viscères et pas seulement le tissu sous  cutané. Ce type d’obésité engendre un syndrome de résistance à l’insuline et donc augmente le risque de diabète de type 2 et surtout le risque d’insuffisance coronarien aiguë.

1.2. Les définitions

Une 1ère définition est basée sur les Facteurs de Risques (FDR) de l’étude américaine :

-          Périmètre ombilical > 102 cm chez l’homme, 88 cm chez la femme

-          Triglycérides > 1,5 g/l

-          HDL Cholestérol < 0,4 g / l chez l’homme, 0,5 chez la femme

-          TA > 130 / 85

-          GLYCÉMIE ≥ 1,10 g / l définissant l’intolérance aux hydrates de carbone

On parle de Syndrome Métabolique (SM) quand il existe 3 de ces 5 critères ; c’est cette définition mise au point aux USA, qui est de plus en plus utilisée.

Une 2ème définition du SM est prônée par l’OMS quand il existe 2 des 4 critères suivant :      

-          Rapport taille / hanche > 0,9 chez l’homme ou > 0,85 chez la femme

-          TG > 1,5 g / l

-          TA > 140 / 90

-          Microalbuminurie > 30 mg / l

Le syndrome métabolique est donc un concept clinique et biologique.

2.   ÉPIDÉMIOLOGIE

2.1. Les études

Dans une étude internationale de 52 pays (Interheart), regroupant 15152 patients avec IDM versus un groupe de témoins de 14280 sans IDM, le s résultats montrent que :

·         L’obésité abdominale est présente chez 45-46 % des patients avec IDM contre 33 % chez les témoins et qu’elle constitue un FDR indéniable de coronaropathie

·         Il n’y a pas de différences de pourcentage entre « hommes » et « femmes » dans les 2 groupes de l’étude.

Une autre étude américaine (ARIC) incluant 15 592 patients de 45 à 64 ans, suivis plusieurs années a montré que

·         La prévalence de la maladie coronarienne est beaucoup plus élevée s’il existe un SM (7,4 % en présence de SM, versus 3,6 % en l’absence de SM)

·         Le rapport épaisseur intima / épaisseur média, est plus élevé lorsqu’il existe un SM.

Le SM avec l’obésité viscérale, l’HTA, l’hyperglycémie et la dyslipidémie est la traduction d’un « iceberg » mortel.

Dans le SM, c’est par l’intermédiaire de la graisse que vont se modifier la coagulation et l’altération de l’endothélium en générant un syndrome inflammatoire. La graisse est un tissu extrêmement actif produisant de nombreuses substances dont les cytokines (cf. plus loin).

2.2. La prévalence

La prévalence du SM est élevée

 

Prévalence du SM en France (n=3400)

Etude MONICA de 1995-1998

 

Hommes (%)

Femmes (%)

Lille

Strasbourg

Toulouse

26,5

22,5

16,0

25,7

23,9

13,3

 

 

Aux USA, atteignant 40 % des sujets de plus de 50 ans.

En France, le SM est plus fréquent dans le Nord, corrélé à la répartition de l’obésité. Il représente 10 à 15 % chez les hommes (un peu moins chez les femmes). Le signe le plus fréquent est l’HTA.

Particulièrement inquiétante est la prévalence du SM dans l’enfance dont l’augmentation est devenue un vrai problème de santé publique.

-                      Auparavant, le diabète de type 2 était exceptionnel chez l’enfant ou l’adolescent, il s’agissait quasiment toujours de diabètes auto-immuns. Actuellement, le diabète de type 2 n’est pas rare chez eux.

-                      En France, cette prévalence est étroitement liée à l’augmentation du nombre des enfants obèses qui est passé de 6 % en 1990 à 14 % en 2004 (peut être corrélée au petit poids de naissance d’après quelques études nouvellement publiées).

3.   PHYSIOPATHOLOGIE

Deux écoles :

-          L’une, derrière Reaven, a suggéré que l’insuline était primum movens et que l’insulinorésistance va induire l’HTA, le diabète et la dyslipidémie.

-          L’autre, comme le canadien Després, suggère que le point de départ est la masse grasse. Le tissu adipeux lui-même fabrique des hormones qui aggravent l’insulinorésistance.

Le débat est ouvert.

En outre, des facteurs génétiques et environnementaux sont probablement impliqués.

L’obésité est une inflammation de bas grade permanente du tissu adipeux

Des changements de taille de l’adipocyte peuvent stimuler la sécrétion de TNF en stimulant les préadipocytes et les cellules endothéliale à secréter MCP1 et MCP2 favorise le recrutement des macrophages qui activés sécrètent des substances, les adipocytokines. induisant l’insulinorésistance. Parmi celles-ci la leptine et l’adiponeptine sont les plus connues :

-          La leptine est l’hormone de la satiété, et également impliqué dans le déclenchement de la puberté. En France à l’Hôtel Dieu, ont été décrites pour la première fois des patientes porteuses d’une mutation génétique avec perte de la fonction «  leptine » et qui présentaient une boulimie psychiatrique.

-          A l’inverse l’adiponeptine favorise la sensibilité à l’insuline.

-          Au sein du tissu adipeux, il existe donc un système de balance entre des hormones qui favorisent ou empêchent la sensibilité à l’insuline.

Il existe un modèle animal expérimental du SM : il s’agit de la souris qui sur exprime le gène codant pour un enzyme 11ßHSD (11Hydroxy Stéroide deshydrogénase), enzyme qui permet la transformation dans le tissu adipeux de la cortisone en cortisol. L’accumulation de cortisol va stimuler la transformation des préadipocytes en adipocytes qui vont se multiplier abondamment.

On arrive ainsi au lien entre stress et obésité sur lequel on a beaucoup écrit. L’obésité viscérale pourrait donc résulter d’une synthèse locale accrue de cortisol du fait de l’activation de la 11 ßHSD par les cytokines sécrétées par le tissu adipeux.

4.   TRAITEMENT

4.1. Concept

Concrètement, il n’existe pas de traitement spécifique, car l’étiopathogénie de la maladie est encore inconnue.

Néanmoins, on peut corriger de manière agressive les FDR vasculaires de manière à réduire le risque cardio-vasculaire :

-          Certains ne sont pas modifiables comme l’âge, les ATCD personnels et familiaux de maladie coronaire et artériopathie,

-          D’autres le sont et pour les prendre en charge, il faut les dépister et les contrôler, chez tout patient qui :

o        Souhaite connaître son risque

o        A un des marqueurs du syndrome métabolique

4.2. Le traitement des facteurs de risque

4.2.1. La réduction de l’obésité androïde :

Une étude finlandaise en 2001 a montré que, si on « coache » bien les patients avec un suivi régulier et rigoureux on arrive à leur faire perdre du poids (5 à 10 %) : Les objectifs de la discipline hygiéno-diététiques au cours de cette étude étaient d’obtenir :

-          une perte de poids d’au moins 5 %,

-          un apport alimentaire de lipides inférieur à 30 %,

-          un apport de graisses saturées inférieur à 10 %

-          un apport de fibres supérieur à 15g / 1000 kcal

-          un exercice physique supérieur à 4 heures par semaine

La perte pondérale de 5 à 10 % est suffisante pour entraîner une diminution de l’adiposité viscérale de 30 %, et une nette réduction des AVC, et après 4 ans de suivi une diminution du risque de diabète de 58 %.

4.2.2. La normalisation de la glycémie

La prévision du nombre de diabète de type 2 dans le monde est de 300 millions de sujets en 2025. Des études ont montré récemment que si on donne de la metformine à certains groupes de patients, on évite la survenue du diabète de type 2.

Un même résultat a été retrouvé avec le Xénical® par la perte de poids qu’il entraîne.

4.2.3. La normalisation de la tension artérielle :

l’objectif à atteindre est une TA < 140 / 90. Les cardiologues aujourd’hui à travers le monde, suggèrent de débuter d’emblée une polythérapie si la PAS > 160 et/ou  PAD > 100.

Quelles molécules utiliser ?

-          L’étude MicroHOPE en 2000 a révélé qu ‘en donnant des IEC aux diabétiques, on réduisait de 24% la mortalité globale, de 22% les IDM, de 33 % les AVC.

-          L’étude INVEST en 2003 a montré que l’utilisation des inhibiteurs calciques réduisait le nombre d’évènements cardiovasculaires.

-          L’étude LIFE, dans laquelle des non diabétiques sont traités par des IEC ou du losartan, a montré que l’on réduisait la survenue de diabète de type 2 (réalité confirmée par plusieurs études même si le mécanisme en est discuté : effet pleïotrope ? effet purement vasculaire avec modification de l’insulinorésistance ?).

4.2.4. Le traitement de la dyslipidémie

C’est un sujet très controversé quant à l’utilisation des différentes molécules.

L’athérosclérose est une maladie inflammatoire. Du fait de l’accumulation du LDL-cholestérol, il y a oxydation des LDL, accumulation des macrophages puis survenue des cellules spumeuses.

Le LDL  est donc important, mais la dyslipidémie du SM consiste en une hyper TG, un HDL bas et des LDL petites et denses qui sont les plus athérogènes.

A ce jour, même en dehors de tout SM, aucune molécule « miracle » n’arrive à traiter de manière conjointe l’élévation du LDL, une baisse du HDL et une élévation des triglycérides.

4.2.4.1. Les statines

Elles ont à leur actif de très nombreuses études ayant montré que le pourcentage d’évènements cardiovasculaires était corrélé au taux de LDL, ce qui a conduit à revoir à la baise les objectifs du LDL Dans le SM où les patients, comme le veut la définition, ont plus de 2 facteurs de risques, le LDL devrait être < 1 g ce qui est loin d’être la majorité des patients.

4.2.4.2. Les PPAR

Il existe des molécules appelées PPAR (Péroxyzone Proliferator Activating Receptor) qui sont des molécules régulant le métabolisme du glucose, des lipides et de l’inflammation.

Il en existe 2 types :

-          Les PPAR alpha, représentés par les fibrates.

-          Les PPAR gamma ayant leurs récepteurs situés dans la graisse, l’intestin et les macrophages sont représentés par les glitazones (pioglitazone = Actos®, roziglitazone = Avandia®)

Les fibrates

Ils ont une bonne action sur les TG et remontent le HDL, mais leur activité sur le LDL est moindre que les statines ;

-          Si on baisse le LDL de 1 %, on diminue le risque cardiovasculaire de 1 %,

-          Si on augmente le HDL de 1 %, on réduit le risque cardiovasculaire de 3 %.

Des taux de LDL et HDL dépendra le choix du traitement : favoriser la baisse des TG et l’ascension du HDL ou privilégier la baisse du LDL.

Les laboratoires les commercialisant étant peu riches, il y a peu d’études les concernant. Seule l’étude VA-HIT a montré que donner des fibrates diminuait le risque cardiovasculaire.

Les PPAR gamma

Ces molécules étaient réservées à la prescription hospitalière, mais le classement en « médicament d’exception » a été levé. Leur indication est le diabète de type 2 en deuxième intention pour les patients ne supportant pas la metformine.

Ces molécules diminuent l’insulinémie, la glycémie et augmentent la sensibilité périphérique à l’insuline mais n’ont pas encore l’AMM pour les non diabétiques ;

-          Elles ciblent bien le traitement du SM, en modifiant la répartition des graisses (effectivement prise de poids de 2 à 3 kg en quelques mois … alors qu’on leur avait demandé d’en perdre !!)

-          Une des contre-indications de ces molécules est l’insuffisance cardiaque.

-          Ces molécules ont également et probablement une action importante au niveau du foie sur ce qu’on appelle le NASH syndrome (Stéatose Hépatique Non Alcoolique) en « vidant « le foie de la mauvaise graisse elles éviteraient la survenue de cirrhose.

Une molécule étant à la fois PPAR alpha et gamma serait une molécule d’avenir pour traiter à la fois le SM et la dyslipidémie. ; des travaux sont en cours.

4.2.5. L’ézétimibe (Ezetrol®)

Il diminue l’absorption du cholestérol d’origine alimentaire et biliaire, essentiellement efficace sur le LDL et permet d’éviter la majoration des doses de statine. Des études démarrent sur l’intérêt d’associer ézétimibe / fibrate .

Dans le traitement, n’oublions pas qu’il faut également stopper le tabagisme.

Des progrès doivent être réalisés, car les objectifs tensionnels, lipidiques et de sevrage sont loin d’être obtenus d’après les études épidémiologiques européennes.

5.   CONCLUSION

Le Syndrome Métabolique était au départ une description clinique, puis ensuite on est arrivé à une association de facteurs de risques et on sait maintenant que l’obésité abdominale est en soi un risque. Le mécanisme exact en est encore inconnu.

Son dépistage, sa prévention et son traitement strict (de la glycémie, de la dyslipidémie, de l’HTA) sont un enjeu important de santé publique pour les années à venir.