LE SEVRAGE TABAGIQUE

Docteur C .SouliŽ-RozŽ   Hopital S .Veil  CH.EAUBONNE –MONTMORENCY

SŽance du 15 octobre 2009

 

1.  GENERALITES

Le tabagisme est lÕaddiction la plus difficile ˆ tra”ter  et pourtant, cÕest la premire cause de mortalitŽ Žvitable (4,5 millions de dŽcs annuels dans le monde, 550 000 annuels en Europe et 70 000 annuels en France pour les premires annŽes du 21me sicle).

160000 dŽcs annuels sont attendus en France si le tabagisme reste ˆ son niveau actuel.

Aux USA, le tabac est devenu la premire cause de mortalitŽ fŽminine, avant le cancer du sein et en 2030, la mortalitŽ sera multipliŽe par 10 chez les femmes chez lesquelles les pathologies Žvoluent ˆ bas bruit car leurs lŽsions sont moins bruyantes avec peu de signes cliniques et davantage de mŽtastases.

Pourtant aujourdÕhui les fumeurs ont en majoritŽ connaissance des mŽfaits du tabac ; mais 20 ˆ 30% des fumeurs disent vouloir continuer ˆ fumer. Cependant 60 ˆ 80% disent vouloir rŽduire ou arrter donc tous les professionnels de santŽ doivent se mobiliser face ˆ ce problme majeur de santŽ publique.

La fumŽe du tabac  ne comporte pas moins de 4000 composŽs :

á      -le monoxyde de carbone responsable des pathologies cardio-vasculaires et de lÕhypoxie fÏtale lors du tabagisme maternel

á      -la nicotine qui rend dŽpendant

á      -le benzopyrne, goudron carcinogne, le polonium, ŽlŽment radioactif de demi-vie >1000ans, les nitrosamines et les dioxines, carcinognes responsables des pathologie pulmonaire

á      -le cadmium, lÕaccrolŽine

2.  LE SEVRAGE TABAGIQUE

2.1.     Le contexte

Il faut avant tout expliquer au patient les  mŽcanismes du  tabac sur lÕapparition de certaines maladies afin  de provoquer chez le fumeur une rŽflexion sur son tabagisme et ses consŽquences. L Ôentretien doit Žviter de laisser se dŽvelopper chez le patient tabagique un sentiment de culpabilitŽ, et permettre de confier au fumeur une responsabilitŽ directe dans la dŽmarche ˆ suivre .

Le sevrage tabagique ne doit en aucun cas se limiter ˆ une prescription pharmacologique, dÕautant quÕil nÕexiste aucun mŽdicament qui soit capable ˆ lui seul  de supprimer lÕenvie de fumer.

LÕinstauration dÕun traitement dÕaide ˆ lÕarrt du tabac doit toujours comporter :

á      -une Žvaluation de la motivation du sujet

á      -une Žvaluation de lÕintensitŽ des dŽpendances, des conduites addictives associŽes (alcool +++)et des comorbiditŽs anxio-dŽpressives.

á      -le choix dÕune stratŽgie appropriŽe et spŽcifique aux caractŽristiques de chaque fumeur

á      -un suivi prolongŽ

2.2.     Le test de Fagerstršm

Le patient remplit seul, apprŽcie sa dŽpendance au tabac

1. Combien de temps aprs votre rŽveil  fumez-vous votre premire cigarette ?

     Dans les 5 premires minutes       =  3

     Entre 6 et 30 minutes                       =   2

     Entre 31 et 60 minutes                     = 1

     Aprs 60 minutes                               = 0

2. Trouvez-vous difficile de sÕabstenir de fumer dans  les endroits o c'est interdit? 

      Oui                                                         =1

      Non                                                         = 0

3. A quelle cigarette de la journŽe vous sera-t-il le plus difficile de renoncer ?

         La premire le matin                     = 1

         NÕimporte quelle autre                 = 0

4. Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?           

     10 ou moins                                         = 0

     11 ˆ 20                                                   = 1

     21 ˆ 30                                                   = 2

     31 ou plus                                              = 3

5. Fumez-vous ˆ un rythme plus soutenu le matin que lÕaprs-midi ?     

      Oui                                                         =1

      Non                                                        =0

6. Fumez-vous lorsque vous tes malade que vous devez rester au lit presque toute la   journŽe?  

      Oui                                                         = 1

      Non                                                         = 0

Le total des points donne :  0 ˆ 2 pas de dŽpendance

                                                     3 ˆ 4 dŽpendance faible

                                                    5 ˆ 6 dŽpendance moyenne

                                                    7 ˆ 10 dŽpendance forte ou trs forte

2.3.     Le test DETA

CÕest un test clinique simple permettant de dŽceler les risques de dŽpendance vis-ˆ-vis de l'alcool. A partir de 2 rŽponses positives, la probabilitŽ dÕune consommation excessive dÕalcool, voire dÕune alcoolo-dŽpendance est trs ŽlevŽe.

1.Avez-vous dŽjˆ ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisŽes ?

2.Votre entourage vous a-t-il dŽjˆ fait des remarques au sujet de votre consommation ?

3.Avez-vous dŽjˆ eu l'impression que vous buviez trop ?

4.Avez-vous dŽjˆ eu besoin d'alcool le matin pour vous sentir en forme ?

 

Avant  de dŽbuter lÕaide au sevrage, il faut  apprŽcier la consommation dÕautres formes de tabac : le tabac roulŽ comporte entre 2 et 4 fois  plus de produits toxiques dans la fumŽe pour un mme poids de tabac (et le tabac nՎtant pas compressŽ, la combustion est plus irrŽgulire gŽnŽrant plus de CO). Les fumeurs de cigares nÕinhalent pas la fumŽe mais la nicotine passe par la muqueuse buccale pouvant gŽnŽrer des cancers ORL. Un fumeur qui inhalerait la fumŽe dÕun gros cigare Ç fumerait È lՎquivalent de 10 cigarettes et un fumeur de cigarillo lՎquivalent de 2. Le tabac ˆ chiquer (SNUS) libre des substances cancŽrignes et abime les dents, la Ç chicha È de par sa combustion incomplte et irrŽgulire peut provoquer des comas hypercapniques .

Toute forme de tabac est dangereuse pour la santŽ.

Les taux  des composants du tabac inscrits sur les paquets de cigarettes  sont mesurŽs dans la fumŽe mais ils varient selon la faon de fumer. Ainsi en bouchant les aŽrations du filtre avec ses doigts, le taux de nicotine inhalŽe peut tre multipliŽe par 10. Les 25 % de femmes enceintes qui  continuent de fumer en diminuant leur consommation de cigarettes ont le mme taux de CO expirŽ car elles adaptent leur faon de fumer pour maintenir leur taux de nicotine sanguin  dÕo une inhalation plus intense et une exposition supŽrieure aux goudrons, Co et autres gaz irritants.

3.  LES OUTILS DÕAIDE AU SEVRAGE TABAGIQUE

3.1.     La substitution nicotinique

Elle a marquŽ un tournant dans lÕhistoire du sevrage tabagique : introduite sous forme de gommes en 1987 et de timbres en 1992, elle a compltement transformŽ lÕapproche de lÕaide ˆ lÕarrt du tabac , en permettant des sevrages plus confortables et plus faciles dÕautant quÕil nÕexiste plus de contrindication chez la femme enceinte et le patient cardiaque  mme dans le cadre du post infarctus immŽdiat . Cependant il y a encore de nombreuses reprises ˆ court terme, dÕo lÕimportance dÕune posologie adaptŽe et dÕun suivi rŽgulier pour la prŽvention des rŽcidives.

Il faut bien expliquer au patient que la nicotine inhalŽe par la fumŽe (ce quÕon appelle lÕeffet Ç shoot È), responsable de la dŽpendance, est une drogue psycho-active dont les effets positifs sont variables dÕun fumeur ˆ lÕautre (plaisir, gestion du stress, effet antidŽpresseur, contr™le de lÕalimentation, concentration intellectuelleÉ)et que le fumeur sÕhabitue ˆ gŽrer les moments de sa vie quotidienne avec la cigarette, renforant ainsi sa dŽpendance physique et comportementale.

La nicotine inhalŽe met 7 secondes pour passer des alvŽoles pulmonaires au cerveau soit 2 fois plus rapidement quÕen intraveineux . Le fumeur fera ainsi environ une dizaine de shoots par cigarette crŽant et entretenant la dŽpendance.

Au contraire, tous les modes de substitution nicotinique dŽlivrent de la nicotine ˆ un rythme beaucoup plus lent car lÕabsorption se fait ˆ travers les muqueuses (gommes, inhalateur) ou la peau (timbres) , facilitant ainsi la dŽsensibilisation des rŽcepteurs nicotiniques cŽrŽbraux  localisŽes dans le noyau accubens, et diminuant les effets du sevrage .

A-Les timbres (patchs)

Ces dispositifs trandermiques dŽlivrent une quantitŽ contr™lŽe de nicotine ˆ travers la peau de lÕordre de 1mg/h, quÕil sÕagisse de timbres utilisŽs sur 16 ou 24h. Il en existe 3 dosages, ce qui permet dÕajuster la posologie en fonction du degrŽ de dŽpendance pharmacologique (test de FAGERSTROM)

Sur 24h, NICOPATCH, NICOTINELL, NIQUITIN avec 21, 14 et 7 mg

Sur 16h, NICORETTE (patch sŽcable) avec 15, 10 et 5 mg

LÕavantage thŽorique des patchs 24h portŽs la nuit est de laisser persister une nicotinŽmie matinale permettant de contr™ler lÕenvie ds le rŽveil du fumeur dŽpendant. Cependant, ils provoquent parfois des troubles du sommeil liŽs ˆ lÕaction stimulatrice de la nicotine pendant la nuit (endormissement normal mais sommeil de 2me partie de nuit hachŽ), et une activitŽ onirique importante. Par consŽquent, le choix entre 16 et 24h se fera au coup par coup en tenant compte du degrŽ de dŽpendance, de la qualitŽ du sommeil et dՎventuels ATCD anxio-dŽpressifs.

LÕallergie au timbre est possible (plus frŽquente lՎtŽ), pouvant tre amŽliorŽe en changeant dÕemplacement tous les jours, en nettoyant la colle rŽsiduelle, en utilisant une crme cortico•de ou des antihistaminiques lors de dŽmangeaisons importantes, ou en changeant de marque de timbre (la rŽaction cutanŽe Žtant liŽe au gel o est stockŽe la nicotine).

La compliance au traitement est amŽliorŽe par lÕadministration quotidienne mais il est possible de modifier la dose au cours de la journŽe, dÕo lÕintert dÕutiliser les gommes en complŽment du timbre en cas de pulsion.

On peut associer plusieurs patchs (les timbres dosŽs ˆ 21 mg sont recommandŽs pour un test de FAGERSTROM ˆ 5 mais des doses de 60 mg ont dŽjˆ ŽtŽ utilisŽes sans problme majeur  de tolŽrance et avec une bonne efficacitŽ chez des fumeurs trs dŽpendants. Le tout est dÕadapter la posologie en tenant compte des signes de sous-dosage (envie de fumer, nervositŽ, irritabilitŽ, troubles de la concentration, grignotageÉ) ou de sur-dosage (nausŽes, diarrhŽes, tachycardie, troubles du sommeil : sommeil hachŽ, activitŽ oniriqueÉ)

B- Les  gommes

Elles ne doivent pas tre m‰chŽes comme un chewing-gum mais tre lŽgrement croquŽes quelques secondes et maintenues entre la joue et la gencive pour rŽduire la salivation ; il en existe 2 dosages : 2mg (dŽlivrant 0,8 ˆ 1 mg de nicotine) et 4 mg (dŽlivrant 1,2 ˆ 1,4 mg de nicotine). Bien utilisŽes, elles dŽlivrent des doses contr™lŽes de nicotine mais une gomme ne dŽlivre jamais la totalitŽ de ce quÕelle contient.

C- Les tablettes sublinguales

Ce sont de petites pastilles ˆ laisser fondre sous la langue, dŽlivrant environ la mme quantitŽ de nicotine que les gommes ˆ 2 mg

D- Les pastilles ˆ sucer

Elles prŽsentent lÕavantage dÕune diffusion lente et rŽgulire et dÕune trs bonne acceptabilitŽ ; elles existent selon les marques ˆ 1, 1,5, 2 ou 4 mg ; il faut toujours commencer par les substituts nicotiniques oraux faiblement dosŽs puis passer ˆ 4 mg en cas dÕinefficacitŽ.

E- LÕinhalateur

Il se prŽsente sous la forme dÕun tube contenant une cartouche poreuse imprŽgnŽe de nicotine : la nicotine nՎtant pas chauffŽe, elle est entra”nŽe par le flux dÕair qui traverse lÕinhalateur sous forme de gouttelettes qui sont trop grosses pour atteindre les voies pulmonaires et se dŽposent dans la bouche o la nicotine est absorbŽe.

On peut associer au timbre dÕautres formes de SN, orales ou inhalateur ; ces autres formes dont la cinŽtique est diffŽrente de celle du timbre, permettent dÕobtenir des pics de nicotinŽmie qui, en cas dÕenvie impŽrieuse, soulagent rapidement la sensation de manque .


 


Les causes majeures dՎchec dÕaide au sevrage sont la sous utilisation de la SN, une mauvaise connaissance de produits disponibles mais aussi un manque dÕinformation qui fait trop souvent considŽrer la nicotine comme le produit toxique du tabac .

3.2.     LES ANTIDƒPRESSEURS

Dans toutes les dŽpendances, les troubles de lÕhumeur sont frŽquents et la substance peut tre utilisŽe comme une Ç automŽdication È  visant ˆ rŽduire un Žtat de mal-tre.

Chez certains fumeurs, lÕarrt du tabac est suivi dÕun syndrome dŽpressif +/- important qui dispara”t soit avec la reprise de la cigarette, soit en associant au SN un traitement antidŽpresseur qui permet dÕobtenir un sevrage plus confortable.

Toute premire consultation doit  comporter une Žvaluation de lՎtat anxio-dŽpressif ˆ lÕaide du HAD +++(insŽrer ici power point n¡38) et la mise en place dÕun traitement antidŽpresseur si HAD perturbŽ (A>12 et D>8), si ATCD dŽpressifs ou rŽaction dŽpressive lors dÕun prŽcŽdent sevrage.

3.3.     VARENICLINE  (CHAMPIX)

Apparue en fŽvrier 2007, cette nouvelle molŽcule  dŽrivŽe de la  Ç cytisine È bien connue comme agoniste  partiel  sŽlectif des rŽcepteurs nicotiniques  provoque un soulagement du besoin de fumer et des sympt™mes de manque. Elle a aussi un effet antagoniste en empchant la liaison de la nicotine au rŽcepteur, diminuant ainsi les effets de rŽcompense et de renforcement de plaisir associŽs au tabac. Elle est indiquŽe dans le sevrage tabagique de lÕadulte, durant 3 mois minimum.

Des Žtudes comparant lÕaction du CHAMPIX ˆ celle du ZYBAN ou dÕun placŽbo ont montrŽ ˆ 3 mois ;

Avec le CHAMPIX (1 mg x2) :43,9 % dÕarrt

 Avec le ZYBAN (150 mg x2) :29,8 % dÕarrt

Avec le placŽbo : 10,6 % dÕarrt 

Mais aucune Žtude publiŽe avec les SN !!!

La posologie du CHAMPIX doit tre progressive : le patient choisit en principe une date pour arrter de fumer et dŽbute son traitement 1 ˆ 2  semaines avant cette date selon le schŽma suivant : J1 ˆ J3 0,5 mg le matin, J4 ˆ J7 0,5 mg matin et soir puis ˆ partir de J8  1 mg matin et soir ;

Les effets indŽsirables surviennent en gŽnŽral au cours de la premire semaine de traitement, dÕintensitŽ variable, cessant souvent spontanŽment au bout de quelques jours. Les plus frŽquents sont les nausŽes (28,6%), les cŽphalŽes, les rves anormaux et les insomnies, les Žtats dŽpressifs (mais on sait que lÕarrt du tabac entraine souvent une rŽaction dŽpressive ; il est donc difficile dÕimputer cette dernire au traitement) des troubles psychiatriques et des problmes cardiovasculaires (une Žtude doit tre publiŽe dans les mois ˆ venir).

4.  EFFETS SECONDAIRES DU SEVRAGE TABAGIQUE

4.1.     Poids

 Le fumeur est en gŽnŽral en sous poids de 0 ˆ 3 kg. A lÕarrt du tabac il y a donc possibilitŽ de rattrapage voire plusÉ

En effet la nicotine augmente les dŽpenses caloriques. Le sevrage va quant ˆ lui les diminuer, dÕo les conseils dÕavoir une certaine activitŽ physique rŽgulir La nicotine augmentant la lipolyse, le sevrage va stocker les graisses : il faudra donc conseiller de limiter lÕapport en graisses saturŽes. Enfin, la nicotine ayant un effet indirect hypoglycŽmiant avec un effet coupe faim, le sevrage risque dÕaugmenter lÕappŽtit.

4.2.     Autres problmes

II-RŽaction dŽpressive

III-Trouble de la concentration

IV-Insomnie

V-Constipation (frŽquente)

VI-RŽaction allergiques aux SN

 

 

5.  TABAC –ALCOOL

Il est important de savoir que les fumeurs boivent plus que les non-fumeurs et que parmi les personnes tra”tŽes pour alcoolisme 80 % sont des fumeurs (contre 34% dans la population gŽnŽrale).

Le tabac est responsable de 51% des  dŽcs et lÕalcool de 34 %.

Il est quasi impossible de sevrer en tabac sans sevrer en alcool et il est donc important de placer les 2 sevrages dans une mme dŽmarche globale : soit simultanŽe (difficile ˆ conduire  en particulier en mŽdecine gŽnŽrale) soit en alcool puis en tabac en annonant ds le dŽpart que les 2 sevrages sont conduits dans une mme dŽmarche.

Aucune Žtude ne montre un effet nŽgatif du sevrage tabagique sur une reprise de lÕalcoolisme.